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Full text of "Un grand seigneur au XVIIIe siècle : le comte de Valbelle"

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UN  GRAND  SEIGNEUR 

AU    DIX-HUITIÈME    SIÈCLE. 


Digitized  by  the  Internet  Archive 

in  2011  with  funding  from 

University  of  Toronto 


http://www.archive.org/details/ungrandseigneuraOOteis 


^^f^o, 


OCTAVE      TEISSIER 


UN  GRAND 


SEIGNEUR 


AU    XVIII^    SIECLE 


LE   COMTE   DE   VALBELLE 


PARIS 

LIBR.^IIR.IE      H:A.GH:ETTE      Sz.      C'e 
79.  Boulevard  Saint-Germain,  79 


1890 


LfO»^^' 


SCSÇjéfejrSfetEIST 


\11D 


Les  plus  fastueux  financiers  qui  remuent 
des  millions  et  les  dépensent  sans  compter , 
les  gentilshommes  eux-mêmes  disposant 
d'une  fortune  considérable  ne  sauraient 
nous  donner  une  idée  exacte  des  grands 
seigneurs  de  V ancien  régime ,  qui  vivaient 
princièrement  dans  des  châteaux  somp- 
tueux ,  dont  ils  faisaient  les  honneurs  avec 
une  grâce  séduisante. 

Aujourd'hui  y  il  est  vrai ,  les  exigences 
de  la  vie  politique ,  qui  retiennent  à  Paris 
les  représentants  des  grandes  familles j  leur 
font  abandonner  ces  belles  résidences,  dont 
les  abords  sont  d'ailleurs  dépoétisés  par  le 
voisinage  des  usines  ou  des  chemins  de  fer  ; 


VI 


ils  mènent  encore  un  magnifique  train  de 
maison,  et  font  un  excellent  usage  de  leur 
fortune;  mais  ce  ne  sont  plus  ces  anciens 
seigneurs,  dont  on  parle  volontiers  dans  les 
veillées  de  nos  campagnes ,  moins  pour  les 
maudire,  quoi  qu'on  en  dise,  que  pour  rap- 
peler leur  affabilité  et  leurs  «  belles  ma- 
nières ». 

Le  comte  Joseph-Alphonse-Omer  de 
Valbelle  fut  un  de  ces  grands  seigneurs.  Il 
avait  fait  de  son  château ,  situé  à  Tourves, 
près  de  Brig noies  et  non  loin  de  la  ville 
d'AiXy  un  séjour  enchanteur.  Les  plus  célè- 
bres artistes  du  XVIIP  siècle  avaient 
concouru  y  par  leurs  œuvres,  à  embellir 
cette  splendide  résidence  ;  des  statues  gra- 
cieuses,  finement  exécutées,  étaient  répan- 
dues clans  le  parc  et  les  jardins  ;  partout , 
dans  les  appartements ,  on  admirait  des 
toiles  que  l'on  couvrirait  d'or  aujourd'hui. 


VII 


U ameublement  était  du  meilleur  goût:  ten- 
tures des  GobelinSj  tapis  de  Turquie^  glaces 
encadrées  dans  des  trumeaux  éblouissants, 
cheminées  en  beau  marbre  sculpté  y  meubles 
en  marqueterie ,  lits  de  parade  d'un  prix 
inestimable  y  le  tout  rehaussé  par  les  toi- 
lettes ,  les  parures  des  nombreux  invités 
qui  ne  cessaient  de  se  renouveler.  Une  belle 
salle  de  spectacle  de  douze  mètres  de  fa- 
çade ^  sur  vingt-cinq  mètres  de  profon- 
deur,  ajoutait  aux  agréments  de  ces  réu- 
nions devenues  célèbres  et  que  Mirabeau 
comparait  à  une  Cour  d'amour. 

Le  Comte  de  Valbelle  mourut  en  chrétien, 
après  avoir  rédigé  ,  en  termes  choisis  ,  ses 
dernières  volontés,  qui  témoignent  de  l'élé- 
vation de  ses  sentiments^,  de  sa  générosité  et 
de  sa  bonté  :  accompagnant  chaque  legs  de 
quelques  mots  affectueux  qui  en  doublaient 
le  prix. 


VIII 


Les  détails  biographiques  que  nous  avons 
recueillis  sur  cet  aimable  grand  seigneur , 
et  que  nous  publions,  sont  loin,  assurément, 
de  justifier  la  légende  trop  accréditée  qui  le 
représente  comme  un  libeHin  sans  retenue. 
C'était  y  au  contraire  ,  un  gentilhomme 
d'une  haute  distinction  y  rempli  de  respect 
pour  le  nom  qu'il  portait,  et  qui  a  pu  se 
laisser  entraîner  ,  pendant  sa  jeunesse  , 
par  le  courant  des  plaisirs  élégants  ,  sans 
jamais  oublier  qu'il  représentait  une  des 
familles  les  plus  respectables  de  son  pays. 


I 


LA  LÉGENDE, 


Maréchal  des  camps  et  armées  du  roi ,  marquis  de 
Tourves,  de  Rians  et  de  Montfuron,  comte  de  Sainte- 
Tulle  et  de  Ribiers ,  vicomte  de  Cadenet,  baron  de 
Meyrargues  ,  seigneur  de  vingt  terres  féodales  ,  dis- 
posant d'une  fortune  immense  ,  très  distingué  de  sa 
personne ,  adoré  des  plus  charmantes  provençales  , 
le  comte  Joseph-Alphonse-Omer  de  Valbelle  avait 
créé ,  dans  son  château  de  Tourves ,  une  nouvelle 
Cour  d'amour  j  dont  le  rayonnement  rempli  de  jeu- 
nesse, d'esprit  et  de  beauté ,  jetait  un  éclat  merveil- 
leux dans  toute  la  Provence. 

Songeant  un  jour  à  la  mort^  qui,  pourtant  était  loin 
de  lui ,  Valbelle  eut  l'idée  folle  de  s'ensevelir  vivant 
dans  un  magnifique  mausolée,  autour  duquel  seraient 
rangées,  dans  une  attitude  désolée,  quelques  unes 


—    2    — 

des  dames  qui  composaient  cette  aimable  cour  d'a- 
mour. 

Aucune  provençale  ne  voulant  se  prêter  à  cette 
lugubre  fantaisie^  Valbelle  fit  exécuter  par  un  célèbre 
sculpteur,  par  Houdon  ,  quatre  statues  en  marbre^ 
représentant  M^^®  Clairon  ,  de  la  Comédie  française  , 
M'^«  Gaymard  ,  danseuse  de  l'Opéra  ,  et  deux  autres 
artistes  d'une  resplendissante  beauté  qui ,  toutes  ,  lui 
avaient  prodigué  les  preuves  d'une  tendresse  pas- 
sionnée. 

Appelées ,  tour  à  tour  ,  chez  Houdon  ,  qui  avait , 
disait-il ,  reçu  la  mission  de  faire  des  statues  pour 
les  jardins  du  château  de  Tourves ,  les  quatre  ar- 
tistes avaient  posé  complaisamment,,  sans  se  douter 
du  rôle  qui  leur  était  réservé  dans  le  spectacle  ima- 
giné par  le  comte  de  Valbelle.  Quand  le  mausolée 
qu'elles  devaient  encadrer  fut  terminé,  Valbelle  les 
invita  à  passer  quelques  semaines  dans  ses  terres  de 
Provence,  où  les  attendaient  les  fêtes  les  plus  variées. 

En  effet,  pendant  les  quinze  premiers  jours  ,  les 
échos  de  Tourves  ne  cessèrent  de  se  renvoyer  les 
chants  et  les  cris  jetés  par  une  troupe  de  jeunes  fem- 
mes ,  répandues  dans  le  parc  ,  ou  dans  les  jardins 


—    3    — 

odorants  qu'un  soleil  radieux  colorait  de  ses  joyeux 
reflets. 

Par  une  belle  journée  de  printemps,  Valbelle  con- 
duisit ses  invités  dans  le  bois  de  Montrieux,  où  s'éle- 
vait ,  sous  de  frais  ombrages  _,  un  monastère  de  Char- 
treux. Le  coQite  avait  fait  dresser  ,  dans  la  chapelle 
de  cette  sainte  retraite  ,  le  monument  funéraire  qui 
devait  recevoir  ses  restes  mortels;  et,  sous  le  prétexte 
de  voir  l'effet  des  belles  statues  dues  au  ciseau  de 
Houdon  ,  il  avait  fait  tendre  de  noir  tous  les  murs  de 
la  chapelle. 

Pendant  que  les  jeunes  femmes,  toujours  les  pre- 
mières dans  ces  excursions  poétiques ,  pénétraient 
dans  le  lieu  saint,  Valbelle  se  couchait  silencieuse- 
ment au  fond  du  tombeau  en  marbre  blanc ,  qui 
n'avait  pour  ornements  que  les  quatre  statues  repré- 
sentant ses  bien  aimées. 

Quelle  ne  fut  pas  l'épouvante  des  jeunes  et  rieuses 
artistes  ,  quand  elles  se  reconnurent  dans  les  pleu- 
reuses qui  entouraient  leur  hôte  ,  étendu  et  comme 
sans  vie  dans  un  cercueil  ! 

Après  un  moment  de  stupeur,  il  n'y  eut  qu'un  cri , 
et  toute  la  troupe  mondaine  s'enfuit,  en  accablant  le 


-     4     — 

pauvre  comte  des  éclats  d'une  colère  indignée.  Clai- 
ron ne  voulut  plus  le  revoir  ,  elle  partit  sur  l'heure. 
Les  autres,  moins  violentes,  se  concertèrent  avec  les 
gentilhommes,  pour  faire  comprendre  à  iM.  de  Val- 
belle  combien  cette  plaisanterie  était  de  mauvais 
goût.  Mais,  hélas  !  quand  on  revint  auprès  du  mau- 
solée on  vit  le  comte  aussi  blanc  que  le  marbre  qui 
l'enveloppait;  il  avait  cessé  de  vivre... 

Telle  est  la  légende  qui  a  cours  à  Tourves,  à  Bri- 
gnoles  et  dans  tout  le  Var. 

Mais  l'histoire  vraie  ne  ressemble  en  rien  à  ce 
mélodrame ,  bien  digne  delà  plume  d'un  imitateur 
d'Anne  Radcliffe;  les  détails  biographiques  que  nous 
allons  mettre  sous  les  yeux  du  lecteur  et  qui  sont 
puisés  aux  sources  les  plus  authentiques^  révèlent, 
au  contraire  ,  un  comte  de  Valbclle  ,  aimable  ,  spiri- 
tuel, généreux,  entouré  d'une  considération  unanime, 
qu'il  méritait  par  la  noblesse  de  ses  sentiments  et  la 
correction  de  sa  conduite. 


LE  CHATEAU  DE  TOURVES. 


Après  avoir  quitté  la  station  de  Tourves,  le  voya- 
geur qui  se  dirige  vers  Brignoles,  aperçoit  à  droite, 
sur  une  colline  allongée,  les  ruines  d'un  château, 
dont  il  ne  reste  qu'une  très  belle  colonnade. 

Ce  château  eut  ses  jours  de  splendeur.  Inféodé  par 
la  reine  Jeanne  à  Jean  de  Baux,  possédé  ensuite  par 
les  d'Arcussia  et  les  Vintimille  ,  il  devint  la  propriété 
des  Valbelle,  qui  l'agrandirent  considérablement.  Ses 
constructions  occupaient,  vers  la  fin  du  XVIII^  siècle, 
plus  de  cinq  mille  mètres  de  terrain. 

La  principale  façade  du  château  visait  la  route 
aboutissant  à  Rougiers.  Un  perron,  aux  vastes  pro- 
portions, donnait  accès  aux  appartements. —  Du  côté 
de  Brignoles ,  un  portique  formé  de  dix  colonnes 
doriques  accouplées  ,  en  pierre  froide^  soutenait  un 
superbe  balcon.  A  l'extrémité  d'une  terrasse  qui  s'é- 
tendait devant  cette  colonnade,  se  dressait  un  obélis- 


—    6    — 

que  de  vingt-quatre  mètres  de  hauteur  ,  sur  lequel 
on  peut  encore  lire  ces  deux  vers  : 

Conserve  ma  devise  ,  elle  est  chère  à  mon  cœur  ; 
Les  mots  en  sont  sacrés  :  c'est  l'amour  et  l'honneur. 

Un  peu  plus  loin  ,  le  dernier  comte  de  Valbelle 
avait  établi  une  vacherie,  et  y  avait  adossé  un  ciho- 
rium  (1)  gothique,  provenant  de  Tancienne  paroisse 
de  Tourves.  L'inscription  qu'il  y  fit  graver  a  été  sou- 
vent reproduite^  elle  n'offre  rien  de  remarquable , 
elle  est  même  assez  fade,  maison^  retrouve  cet 
esprit  philosophique  dont  la  Noblesse  aimait  à  se 
parer  aux  approches  de  la  Révolution  : 

A  grandeur,  trop  souvent  succède  ignominie  ; 

De  temple  que  j'étais  ,  église  je  devins  ; 

J'en  conçus  trop.d'orgueil.  on  m'a  fait  écurie  , 

Passant,  qui  vois  l'affront  dont  ma  gloire  est  suitie  , 

Apprends,  sans  murmurer,  à  céder  aux  deslins. 

Un  beau  parc  ,  des  allées  ombreuses  ,  des  statues 

(1)  «  On  appelle  Ciborium  ,  dit  M.  Millin,  un  petit  édiûcc  en  forme  de 
tour  et  détaché  du  maître-autel  ,  dans  lequel  on  gardait  le  Saint-Sacrc- 
mcnt  >.  [Voyage  dans  les  dcpartcments  du  midi  dr  la  l'ranci'.  Tome  III, 
p.  131). 


—     7     — 

Cdchées  dans  les  massifs  de  verdure,  donnaient  à 
cette  résidence  princière  un  aspect  grandiose  et  sé- 
duisant y  dont  il  ne  reste  aujourd'hui  qu'un  souvenir 
attristé.  Un  touriste,  visitant  naguère  les  ruines  du 
château  ,  fut  vivement  impressionné  par  les  beautés 
du  site:  «  Ce  qu'il  y  a  de  plus  remarquable,  écri- 
vait-il, c'est  le  parc  ,  un  parc  très  grand  ,  clôturé  de 
murs  et  couvert  d'arbres.  Je  l'ai  visité  par  un  beau 
jour  de  printemps.  Les  rossignols  chantaient  à  tue- 
tête.  La  verdure  avait  poussé  à  toutes  les  branches, 
elle  arrêtait  les  rayons  du  soleil.  Même  solitude  dans 
les  bois  que  dans  les  ruines.  Des  lézards  affolés  sur 
mon  passage,  des  battements  d'ailes  aux  cimes  des 
arbres;  l'immobilité  des  feuilles  ;  une  majesté  vaste 
et  triste  ,  et  des  arbres,  des  arbres  à  perte  de  vue. 
Voilà  le  parc.  Il  est  traversé  d'un  large  chemin  et 
renferme  une  allée  de  vieux  buis  ,  formant  un  long 
berceau  et  admiré  de  tous  les  visiteurs  »  (1). 

Mais  supposons  un  instant  que  ce  beau  château  est 
encore  debout  ;  rappelons  la  vie  partout  ;  laissons 
pénétrer  par  les  fenêtres  entr'ouvertes  un  soleil  ra- 

(•2)    Le  Courrier  du  Var.  Brignoles,  imp.  Vian,  3  mai  1882. 


—    8    — 

dieux  ;  mettons,  dans  le  parc,  des  couples  élégants, 
et,  sur  la  route,  des  carrosses  ,  des  chaises  de  poste 
remplies  de  joyeux  invités  ,  nous  aurons  une  idée 
exacte  de  ce  qu'était  le  château  de  Tourves, quand 
M"^^  la  marquise  de  Valbelle  l'habitait  avec  son  fils: 
le  très  haut  et  très  puissant  seigneur  Joseph-Al- 
phonse-Omer  de  Valbelle ,  comte  d'Oraison ,  des 
vicomtes  de  Marseille  ,  marquis  de  Tourves  ,  Rians, 
Montfuron  et  Bressiure,  baron  de  Saint-Symphorien 
et  de  Meyrargues  ,  comte  de  Valbelle  et  de  Sainte- 
Tulle  ,  vicomte  de  C4adenet ,  seigneur  de  Cadarache, 
Rougiers,  Venel,  Peyrolles,  Mousteyret,  Levens,  Le 
Revest^  Gucuron  et  autres  lieux,  Tun  des  quatre  pre- 
miers barons  du  Dauphiné,  lieutenant  de  roi  en  Pro- 
vence, au  département  d'Arles  ,  maréchal  de  camp 
des  armées  du  roi  (1). 

Pénétrons  dans  le  château  à  la  suite  des  invités  : 
Au  rez-de-chaussée,  une  grande  salle,  dite  des  Pas 
Perdus;   à  droite  et  à  gauche   la  chan'^.ellerie  et  la 


(1)  Proruration  reçue,  le  12  novcmlire  1771  ,  \*at  M.  d'Aslros,  notaire  à 
Tourves,  ayant  pour  objet  la  loention  au  marquis  de  Monteynard  de  l'hôtel 
du  comte  de  Valbelle,  s-itué  li  Paris  ,  rue  du  Bac,  n"  31. 


—    9    — 

chambre  des  archives  ;  au  fond  ,  un  magnifique  es- 
calier en  marbre  ,  orné  de  statues. 

Au  premier  étage,  une  ^alle  d'attente  ou  anticham- 
bre meublée  avec  luxe  :  Tapisserie  à  grands  person- 
nages ,  cheminée  en  marbre  ,  chenets  en  bronze  doré 
surmontés  de  charmantes  statuettes ,  grande  table 
peinte  en  gris,  dessus  de  marbre;  riche  cabaret  et 
tasses  en  porcelaine.  Sur  une  autre  table  ,  couverte 
en  draps  vert,  un  tric-trac  d'ébène,  garni  en  ivoire,  et 
un  damier  en  ébène;  21  fauteuils  peints  en  gris, 
garnis  de  velours  ciselé  rouge  et  jaune;  un  lustre  en 
cuivre  doré,  un  tableau  sur  la  cheminée  et  trois  mé- 
daillons sur  les  portes. 

Toute  la  société  se  réunit  dans  le  salon  de  compa- 
gnie. La  pièce  est  très  belle,  elle  doit  avoirdix  mètres 
sur  sept,  si  on  en  juge  par  les  dimensions  du  moel- 
leux tapis  de  laine,  à  plusieurs  couleurs,  qui  recouvre 
le  parquet,  et  qui  n'a  pas  moins  de  36  pans  sur  24. 
L'ameublement  est  riche  et  de  bon  goût  :  Tapisserie 
des  Gobelins  à  grands  personnages;  deux  canapés  et 
vingt-cinq  fauteuils  également  en  tapisserie  des  Go- 
belins, représentant  diverses  fables;  trois  autres 
fauteuils  garnis  en  velours  blanc  et  vert.  Six  rideaux 


—    10    — 

en  taffetas  vert  et  blanc.  Entre  les  fenêtres  deux  com- 
modes en  bois  d'acajou  marqueté,  à  trois  tiroirs  , 
pieds  de  biche,  garniture  en  cuivre  doré  ,  dessus  de 
marbre  de  couleur  et  le  bord  blanc.  Sur  la  cheminée, 
la  statue  équestre  de  Louis  XIV,  en  bronze,  montée 
sur  un  piédestal  en  marbre  et  deux  urnes  en  porce- 
laine de  Chine  ,  aux  extrémités  dorées,  de  trois  pans 
de  hauteur  (1);  une  belle  glace  de  quatre  mètres;  à 
droite  et  à  gauche  de  la  cheminée,  des  girandoles  en 
cuivre  doré,  à  trois  branches.  Un  feu  magnifique, 
composé  de  deux  chenets  en  cuivre  doré,  chacun 
d'eux  surmonté  d'une  urne  à  tête  de  mouton  ;  quatre 
pincettes  et  deux  pelles  avec  leurs  pommes  dorées; 
un  écran  garni  en  étoffe  tissée  de  laine.  Sur  une  des 
commodes  _,  une  pendule  en  bronze  doré  «  d'un  pan 
de  circonférence  »  et  sur  l'autre  commode  deux  urnes 
en  porcelaine,  dorées  et  peintes,  surmontées  de  fleurs 
artificielles.  Aux  deux  extrémités  du  salon,  deux 
urnes  ,   l'une  servant  à  brûler  des  parfums  ,  sur  un 


(i;  La  slatuo  l'ijucstrc  en  bion/c  cl  les  (Kmiï  urnes  en  vieux  Cliine,  qui 
ornaient  la  vasie  ciiominiie  ilc  ce  salon  ,  lijïurent  aujourd'hui  parmi  les 
objets  les  plus  précieux  du  musée  de  Urai;uignan. 


—   H   — 

piédestal  de  marbre  gris  ,  soutenue  par  trois  pieds  à 
tête  de  mouton,  garniture  en  cuivre  doré;  l'autre 
urne,  en  plâtre  peint ^  sur  trois  pieds  sculptés  et 
dorés;  enfin,  suspendu  au  milieu  de  la  salle,  un 
lustre  à  six  branches  ,  garni  de  différentes  pièces  de 
cristal,  et  sur  les  portes  quatre  médaillons  très  gra- 
cieux. 

Indépendamment  des  chambres  et  des  salons  oc- 
cupés par  M'^^^  la  marquise  de  Valbelle  et  par  son 
fils  ,  le  château  renfermait  un  assez  grand  nombre 
d'appartements  élégants  et  confortables,  mis  à  la  dis- 
position des  parents  et  amis  du  comte  ,  qui  exerçait 
l'hospitalité  très  largement.  Chaque  appartement  était 
désigné  par  le  nom  d'une  des  dames  de  Valbelle  qui 
l'avait  habité  antérieurement,  et  dont,  par  une  galan- 
terie aimable  ,  le  comte  avait  fait  placer  le  portrait 
dans  la  chambre  à  coucher. 

11  y  avait  les  appartements  de  M"^^  la  marquise  de 
Gastellane-Majastre  ,  née  Marguerite  de  Valbelle, 
sœur  du  comte  ;  de  M"^^  Alphonse  de  Valbelle  née  de 
Ghavigny,  femma  de  son  frère;  de  M'^«  la  marquise 
de  Valbelle,  sa  mère;  de  M"^®  Anne  de  Demandols  , 
son  aïeule  ;  de  mesdames  Gabrielle  de  Brancas  et 


—    12    — 

Suzanne  de  Fabri ,  ses  bisaïeules  ;  de  M"^^*  Anne  de 
Vintimille  et  Anne-Silvie  de  Galéan  ,  ses  trisaïeules  , 
et  enfin  des  mères  de  ces  dernières  ,  M^^^^  Aimare  de 
Cabre  et  Marguerite  Doria. 

Il  y  avait  aussi  les  chambres  de  M™®^'  de  Simiane, 
d'Arzaqui,  deCandolle,  d'Hue,  de  Renaud  et  celle  de 
la  reine  Jeanne.  Il  y  avait  encore  la  chambre  du 
comte  de  Sainte-Tulle  ,  celle  du  marquis  Cosme- 
Maximilien-Louis  de  Valbelle  ,  et  enfin  la  chambre 
historique  de  Henri  IV^  ornée  de  son  portrait. 

Avant  de  présenter  au  lecteur  le  comte  de  Valbelle, 
qui  recevait,  en  ce  moment,  les  aimables  habitués  de 
ces  fêtes  retentissantes  dont  on  a  un  peu  exagéré  la 
galanterie  ,  faisons  connaissance  avec  les  nobles 
dames  qui  furent  ses  aïeules.  Le  commandeur  de 
Valbelle-Meyrargues  ,  l'un  des  oncles  du  comte,  a 
laissé  des  notes  confidentielles  sur  plusieurs  d'entre 
elles.  Voici  ces  notes  transcrites  dans  le  Liore  de  rai- 
6'ondu  commandeur  sous  ce  titre  assez  ambilieux  : 

Discours  singulier  d'AlpJionse  de  Valbelle-Mey- 
rarcjues ,  commandeur  de  Montfrain  ,  au  diocèse 
d'Usés,  sur  le  caractère  des  dames  de  sa  maison. 

«  Je  veux  ^   à   cette  heure,  parler  de   ma  grand- 


—    13    — 

mère ,  dame  Aimare  de  Gabre-Roquevaire.  Jamais 
femme  n'a  plus  mérité  de  son  mari ,  de  ses  enfants  , 
de  ses  beaux-frères,  que  cette  vertueuse  dame;  jamais 
on  ne  vit  une  telle  attention  pour  l'éducation  des  uns, 
pour  l'entretien  de  Tamitié  et  de  l'union  entre  les 
autres.  Une  piété  solide  et  sans  ostentation  était  la 
base  de  toutes  ses  actions  ,  mais  elle  n'en  faisait 
jamais  rien  sentir;  elle  était  charmée  que  l'on  se 
divertît,  que  l'on  fit  des  parties  de  chasse,  que  l'on 
dansât,  que  l'on  jouât;  cependant  elle  se  retirait  dans 
sa  chapelle^  n'étant  occupée  qu'à  demander  à  Dieu  la 
prospérité  pour  sa  famille;  Dieu  exauça  ses  prières 
en  lui  donnant  deux  belles-filles  selon  son  cœur,  et  ^ 
à  chacune  d'elles,  une  nombreuse  postérité  qu'elle  a 
eu  le  plaisir  de  voir  jusqu'à  la  quatrième  génération. 
Elle  mourut  extrêmement  riche  en  1657  ,  au  grand 
regret  de  tous  ses  descendants  qui  l'aimaient  uni- 
quement ,  et  de  moi  surtout ,  pour  qui  elle  paraissait 
avoir  un  peu  plus  d'amitié  ,  quoiqu'elle  tachât  de  le 
dissimuler. 

«  L'aînée  de  ses  belles-filles  fut  Anne-Silvie  de 
Gallean  des  Yssarts^,  ma  mère,  sur  la  vertu  de 
laquelle  je  ne  finirais  pas  sitôt  si  je  voulais  rappor- 


—     14    — 

ter  tout  le  bien  que  m'en  disait  ma  grand-mère;  elle 
mourut  fort  jeune.  Mon  père  en  parlait  à  peu  près 
comme  sa  mère ,  et  ce  n'était  jamais  sans  verser 
quelques  larmes. 

«  A  de  si  dignes  femmes  a  succédé  une  mégère  :  je 
parle  de  Suzanne  de  Fabri  ,  ma  belle-sœur;  elle  ap- 
porta de  si  grands  biens  dans  notre  maison  que 
jamais  il  n'y  était  entré  un  tel  ménage;  mais  elle  y 
apporta  ,  en  même  temps  ,  tant  de  vices  que  difficile- 
ment on  pourrait  en  tant  rassembler  en  une  seule 
personne.  J'ai  été  obligé  de  vivre  avec  elle  plusieurs 
années,  et  je  puis  dire  en  honneur  que  je  n'ai  jamais 
reconnu  en  elle  aucune  semence  de  bien  ,  mais  une 
aptitude  à  tout  mal.  Elle  a  ruiné  de  fond  en  comble 
notre  maison  ,  elle  a  fait  mourir  mon  frère  de  cha- 
grin ,  et  a  couronné  l'œuvre  dans  la  viduilé,  en  fai- 
sant cà  ses  enfants,  mes  chers  neveux  ,  tout  le  mal 
qu'elle  a  pu.  Elle  les  a  volés  ,  leur  a  extorqué  leur 
bien  sous  prétexte  d'amitié  et  de  tendresse.  Cela  fait, 
elle  les  a  déshérités,  a  mis  son  bien  à  fonds  perdu  et 
enfin  ,  pour  comble  de  tous  maux  ,  elle  leur  a  laissé 
des  procès  jusque  à  la  quatrième  génération  ,  par 
toute  sorte  d'infamies  qu'elle  a  médité  avec  beaucoup 


~     15    — 

d'art.  Dieu  nous  a  délivré  de  cette  méchante  femme 
en  1695,  et  elle  aurait  pu  vivre  encore  trente  ans; 
aussi ,  il  le  faut  louer  de  ces  trente  ans  qu'il  a  re- 
tranchés. 

«  Qu'aurait  dit  ma  pauvre  grand-mère  ,  si  elle 
avait  pu  vivre  jusque  à  ce  temps?  elle  n'aurait  pu 
faire  que  ce  que  j'ai  fait ,  elle  aurait  cherché  une 
femme'à  mon  neveu,  qui  fut  capable  de  réparer  tant 
de  maux;  je  l'ai  cherchée  cette  femme  et  je  crois 
l'avoir  trouvée  :  c'est  Marie-Thérèse  d'Oraison ,  nièce 
de  M.  le  bailly  et  de  M.  le  commandeur  d'Oraison  , 
nos  bons  et  anciens  camarades.  » 

Marie-Thérèse  d'Oraison,  fille  du  Marquis  d'Orai- 
son, vicomte  de  Gadenet ,  qui  épousa,  comme  nous 
venons  de  le  voir  ,  Gosme-Maximilien  de  Valbelle  , 
marquis  de  Rians,  baron  de  Meyrargues,  devint  la 
grand'mère  du  Comte  dont  nous  écrivons  l'histoire, 
parson  fils  André-Geoffroy  de  Valbelle,  qui  épousa 
sa  cousine  Marguerite-Delphine  de  Valbelle,  mar- 
quise de  Tourves.  Or  ,  remontant  à  la  bisaïeule  de 
cette  dernière ,  l'auteur  du  Discours  sur  les  Dames 
de  Valbelle  continue  en  ces  termes  ; 

«  Anne-Marguerite    de    Vintimille    était  accusée 


—    16    - 

d'aimer  à  plaider  ;  mais  Jean-Baptiste  deValbelle, 
marquis  deTourves,  son  mari,  qui  la  laissait  gouver- 
ner en  tout,  n'avait  pas  la  même  complaisance  pour 
son  humeur  chicaneuse  ,  et  avait  su  modérer  cette 
humeur  processive  avec  douceur  et  politesse  ;  elle 
mourut  âgée  d'environ  47  ans,  laissant  quatorze  en- 
fants vivants,  qui  la  regrettèrent  infiniment^  ainsi  que 
son  époux  qui  lui  survécut  pendant  plus  de  vingt  ans 
en  viduité  ;  elle  fut  aussi  fort  regrettée  des  pauvres 
de  ses  terres,  vers  lesquels  elle  était  fort  libérale. 

«  Son  fils  aîné  épousa,  quatre  mois  après  sa  mort, 
dame  Gabriellede  Brancas;  elle  est  aujourd'hui  dans 
la  haute  dévotion  ,  et  même  dévote  du  père  Larderai, 
c'est-à-dire  dévote  à  vingt  karats ,  et  comme  elle  est 
déjà  d'un  ûge  mur,  je  ne  doute  point  que  cette  dévo- 
tion ne  tienne  comme  poix  ;  quoi  qu'il  en  soit^  j'aime 
beaucoup  mieux  qu'elle  soit  femme  de  Messire  Joseph 
de  Valbelle  que  la  mienne.  » 

C'est  par  cette  épigramme  que  le  Commandeur  de 
Malte  termine  son  Discours,  «  fait  à  Montfrain,  le  15 
novembre  1701.  » 

Joseph  de  Valbelle,  époux  de  la  dévote  à  vingt 
karats  ,  mourut  en  1722  ,  laissant   un   fils  :  Cosme- 


—     17     — 

Maximilien-Louis-Joseph  de  Valbelle ,  marquis  de 
Tourves,  président  au  Parlement  de  Provence ,  qui 
avait  épousé,  en  1704,  Anne-Marie  de  Demandols. 

Leur  fille  ,  Marguerite-Delphine  de  Valbelle,  mar- 
quise de  Tourves,  épousa,  le  1^"^  juin  1723,  son  cousin 
germain  ,  Anne-Geoffroy  de  Valbelle  ,  marquis  de 
Rians  ;  d'où  est  né  le  Comte  de  Valbelle ,  celui-là 
même  que  nous  voyons,  en  1777,  faire  les  honneurs 
de  son  château  de  Tourves  â  de  nombreux  invités. 

La  tradition,  d'accord  avec  les  écrits  contemporains 
que  nous  avons  pu  consulter,  aime  à  représenter  le 
Comte  de  Valbelle  comme  un  des  gentilhommes  les 
plus  séduisants  de  son  époque. 

«  Si  l'on  voulait,  écrivait-on,  donner  aux  étrangers 
l'idée  d'un  français  aimable,  c'est  le  Comte  de  Val- 
belle qu^il  faudrait  leur  présenter  ;  il  racontait  avec 
agrément,  plaisantait  avec  finesse  ,  toujours  sans 
fiel,  et  se  prétait  avec  grâce  aux  représailles  légères 
dont  il  pouvait  être  l'objet.  »  (1) 

Diverses  circonstances  ,  mal  interprétées  par  les 
ennemis  de  l'ancien  régime ,  ont  aidé   à  créer  la  lé- 


(1)  BoucHB.  Essai  sur  l'Histoire  de  Provence  .  Tome  II,  p.  440. 

2 


—     18     — 

gende  populaire  qui  a  fait ,  du  château  de  Tourves  , 
une  sorte  de  parc  aux  cerfs,  et,  du  comte  de  Valbelle, 
le  plus  raffiné  des  débauchés  du  XVIII^  siècle. 

Valbelle,  issu  d'une  des  plus  anciennes  familles  de 
Provence,  disposant  d'une  immense  fortune,  officier 
général  à  vingt  ans^  très  bien  fait  de  sa  personne  , 
avait  mené  à  Paris,  dans  sa  jeunesse,  la  vie  à  gran- 
des guides.  Il  avait  été  l'amant  préféré  de  la  célèbre 
Clairon,  qui  l'avait  entraîné  dans  la  société  des  ac- 
trices delà  Comédie  Française.  (1) 

Plus  tard,  le  comte  de  Valbelle, réunissant  au  châ- 
teau de  Tourves  quelques  gentilshommes  de  ses 
amis,  voulut  leur  présenter  l'actrice  en  renom  ,  M"® 
Clairon  ,  «  pensionnaire  du  roi  »,  très  recherchée , 
très  entourée  à  Paris.  Il  la  fit  venir  en  Provence. 
Elle  fut  émerveillée  de  trouver,  dans  un  pays  enchan- 
teur,  doux  et  parfumé,  une  société  d'élite  qui  l'ac- 

(1)  c  M-"»  Préville,  femme  de  Louis  du  Bas  ,  dit  Préville  ,  acteur  de  la 
Comédie  Française,  accoucha,  le  lljuilldt  ITôô,  de  Claire-Louise-Uphon- 
siite,  qui  eut  pour  marraine  Claire-Joseph-Ilippolyte  de  La  Tude  (M"« 
Clairon),  et  pour  parrain  Joscph-Alphonsc-Omer,  comte  de  Valbelle,  re- 
présenté par  Nicolas-François-Hyacinthe  du  Bas,  officier  du  roi.  »  (A.  Jal- 
Dictionnaire  critique  de  Bioyrapliie  et  d'Histoire,  p.  1000). 


—     19    — 

cueillit  avec  enthousiasme.  Mais  ces  visites  qu'elle 
renouvela  n'étaient  pas  du  goût  de  la  Marquise  de 
Valbelle.  On  fit  comprendre  à  la  Clairon  qu'il  y  avait 
loin  du  foyer  de  la  Comédie  Française  à  une  réunion 
de  nobles  dames  qui  ,  sans  être  collets-montés ,  ne 
pouvaient  se  rencontrer  trop  souvent  avec  elle.  Nous 
trouvons  dans  des  notes  qui  nous  ont  été  remises  par 
M.  le  Marquis  de  J.  C.^  dont  la  famille  fut  alliée  aux 
Valbelle  ,  quelques  détails  intéressants  sur  cette  si- 
tuation. 

ft  J'ai  pu,  dit-il,  entendre  les  protestations  des 
personnes  ayant  fait  partie  de  la  société  intime  de  la 
mère  du  dernier  comte  de  Valbelle ,  ayant  acquis 
ainsi  la  connaissance  de  tout  ce  qui  s'était  passé  à 
Tourves.  Ces  personnes  affirmaient  d'abord  que  les 
bouderies  de  M^^®  Clairon  ,  malheureusement  trop 
passagères  ,  avaient  toujours  été  calculées  par  elle 
seule ,  dans  le  but  unique  d'arracher  le  Comte  de 
Valbelle  à  la  société  de  bonne  compagnie  réunie  à 
Tourves.  Et  si  la  faiblesse  maternelle  de  la  Marquise 
de  Valbelle  était  descendue  quelquefois  jusqu'à  lais- 
ser arriver  la  Clairon  à  Tourves,  sous  le  prétexte  de 
lectures  dramatiques,  la  Clairon  elle-même  n'avait 


—    20     — 

pas  tardé  à  reconnaître  qu'elle  n'était  pas  acceptée 
par  la  majorité  de  l'entourage  du  Comte^de  Valbelle. 
«  Les  fêtes  littéraires  de  Tourves  avaient  lieu  devant 
ce  beau  portique  dont  les  grandes  colonnes  sont  encore 
debout  ;  mais  il  fallait  souvent  entendre  là  des  sa- 
vants ennuyeux^  quoique  le  programme  eût  été  arrêté 
d'avance  par  un  aréopage  de  lettrés  et  d'artistes  fixés 
à  demeure  au  château.  Parmi  les  lettrés  les  plus 
dévoués  à  M™®  la  Marquise  de  Valbelle  ,  se  trouvait 
à  Tourves,  le  Père  Cerutti,  l'auteur  de  V Apologie  des 
Jésuites.  C'était  lui  que  redoutait  le  plus  la  Clai- 
ron ».  (1). 

M'^^  Clairon  redoutait  sans  doute  Tinfluence  du 
Père  Cerutti  ;  mais  elle  en  voulait  surtout  à  une  dame 
qu'elle  désigne  très  bien,  sans  la  nommer  cependant, 
dans  sa  correspondance  :  «  Cette  femme  ,  écrivait- 
elle,  le  20  février  1774,  se  montre  publiquement 
votre  maîtresse,  et  son  mari  vivant ,  exige  de  vous 

(i;  M.  le  Maniuis  de  J.  C.  qui  a  eu  la  boiito  de  me  remctire  ces  notes, 
est  plus  qu'octogénaire  ,  mais  il  a  conservé  une  mémoire  merveilleuse  et 
ses  relations  de  famille  l'ont  mis  en  situation  de  fréquenter,  dans  sa 
jeunesse,  des  personnes  qui  avaient  vécu  à  l'époque  où  les  salons  du  comte 
de  Valbelle  étaient  ouverts  b  toute  la  noblesse  provençale. 


-    21    — 

une  promesse  de  mariage  ;  dont  Tâge  actuel  ne  laisse 
aucun  espoir  d'avoir  des  héritiers  (1);  elle  vous  arrête 
dans  des  lieux  où,  depuis  le  mariage  de  M^^^  de 
Marignane  (avec  Mirabeau)^  vous  ne  pouvez  plus 
rien  trouver  qui  vous  convienne,  où  tout  le  monde 
vous  hait  au  fond  de  l'âme.  »  (2) 

On  sent  bien  que  le  dépit  seul  a  dicté  cette  lettre. 
L'actrice  délaissée  ne  peut  plus  se  faire  illusion  ; 
Valbelle  est  occupé  ailleurs  et  ne  tient  pas  à  Tavoir 
auprès  de  lui. 

M"«  Clairon,  qui  avait  daté  sa  lettre  d'Anspach,  y 
demeura,  en  eftet,  et  ne  retourna  à  Paris  qu'en  1791, 
c'est  à-dire  plus  de  vingt  ans  après  la  mort  du  Comte 
de  Valbelle. 

La  femme  mariée,  qui  était  accusée  par  Clairon  de 
retenir  Valbelle  à  Tourves ,  est  désignée  ,  sous  le 
nom  de  la  Madame  du  château ,  dans  une  chanson 
dirigée  contre  la  société  reçue  à  Tourves,  et  dont  une 


(1)  Née  en  1723  ,  Clairon  avait  elle-même  51  ans  quand  elle  reprochait  à 
cette  dame  de  n'être  plus  d'âge  à  avoir  des  enfants, 

(■3)  Mémoires  d'Hyppolite  Clairon  et  Réflexions  sur  la  déclamation 
théâtrale,  publiés  par  elle-même.  Seconde  édition.  Paris,  chez  F.  Buis- 
son, an  VII  de  la  République. 


—    22     — 

copie  nous  a  été  communiquée  par  M.   Mouttet,   le 
plus  obligeant  des  bibliophiles. 

Valbelle,  votre  cour  d'amour, 
Vouée  ^  la  tracasserie, 
N'est  pins  qu'un  odieux  séjour 
D'oii  la  confiance  est  bannie. 
On  s'y  déchire,  on  s'y  hait, 
On  baille  et  jamais  on  ne  rit. 
Grand  Dieu  !  quel  fléau 
Que  la  Madame  du  chàtcan  ! 

L'ami  du  Dieu  de  l'harmonie. 
Excitant  l'admiration. 
De  Roland  excite  l'envie"; 
On  le  mena  tambour  battant. 
Quel  est  son  crime  ?  Son  talent. 
Grand  Dieu  !  quel  fléau 
Que  la  Maiiamc  du  rliâtt'au  ! 

J'ai  vu  la  plus  tendre  des  sœurs  (1); 
En  butte  aux  traits  des  deux  cousines  (3), 
Fuir  pour  se  soustraire  aux  noirceurs 
Qu'avaient  ourdies  ces  messalines. 


(1)  Anne-Margucrilo-Alphonsinc    de  Yaibcllo,  tnvur  du  comte,  marioc  en 
171')  au  marijuis  Uenri  de  Ca$tellane-Majastr<'. 
(9)  M"'  Des  R«land  et  .M"'»  de  Crozc. 


—    23    — 

En  Elle  qu'a-t-on  redouté? 
La  décence  et  l'honnêteté. 
Grand  Dieu  !  quel  tléau 
Que  la  Madame  du  château  (1)  ! 

A  côté  de  cette  critique  violente  des  mœurs  du 
château  de  Valbelle,  il  est  juste  de  placer  les  vers, 
remplis  de  tendresse  et  d'admiration  pour  les  Val- 
belle^  qui  étaient  adressés  à  la  Marquise  et  au  Comte, 
par  M.  Ghauvet  d'Allons,  procureur  du  roi  à  la  Séné- 
chaussée de  Draguignan. 

Ghauvet  d'Allons  venait  de  publier  son  poème  sur 
le  Siège  de  Marseille,  qui  avait  été  couronné  par  l'Ac- 
adémie des  Belles  Lettres  de  cette  ville  ;  il  en  offre 
un  exemplaire  à  M"^®  la  Marquise  de  Valbelle  et  ne 
craint  pas  de  comparer  son  fils  à  un  héros  : 

J'ai  décrit  nos  heureux  travaux, 
Et,  lorsque  j'ai  peint  un  héros, 
Ton  fils  m'a  servi  de  modèle. 

Dans  une   épître   dédiée  au  comte  de  Valbelle,  il 


(1)  D'après  une  note  du  copiste  de  cette  chanson,  M""  Des  Roland  serait 
la  Madame  du  château  ;  celle-là  même  dont  Clairon  était  jalouse  et  qui 
''vait  un  vieux  mari. 


—    24    — 

dépeint  le  château  de  Tourves  sous  les  couleurs  les 
plus  brillantes  : 

Je  vois  ce  séjour  enchanteur , 
Ces  lieux  soumis  à  votre  empire, 
Ce  Tourves,  enfin,  où  tout  respire 
Et  le  plaisir  et  la  grandeur. 

Du  goût,  tout  ici  est  l'ouvrage  ; 
On  trouve,  on  sent  son  tact  flatteur. 
Dans  le  parc  et  dans  l'hermitage 
Point  de  fatigante  splendeur  ; 
Partout  l'cclairé  connaisseur 
Eclipse  ici  le  grand  seigneur. 

Les  lettres,  les  beaux  arts  et  les  travaux  rustiques 

Remplissent  ce  loisir  que  te  laisse  la  paix, 

Ainsi  Condé,  fameux  par  dus  faits  hcroï(iues, 

De  sa  main  triomphante  élaguait  ses  bosiiuets. 

Amant  de  la  belle  nature, 

Valbellc  rends  ces  lieux  toujours  plus  enchanteurs, 

Mais  tes  vertus  et  ta  figure 

Les  ornent  mieux  cent  fois  que  le  marbre  et  les  fleurs. 

Chauvet  d'Allons  ne  laissait  échapper  aucune  oc- 
casion pour  témoigner  son  affectueuse  admiration  au 
comte  de  Valbelie.  Il  écrivit  sous  son  portrait  ces 
vers  dont  la  conclusion  est  heureuse  : 


—    25    — 

Héros  au  milieu  des  alarmes, 

Philosophe  au  sein  de  la  paix, 

Sa  vie  est  un  tissu  de  gloire  et  de  succès  , 

Et  les  cœurs  qui  voudraient  résister  à  ses  charmes 

N'échappent  pas  à  ses  bienfaits. 

Nous  n'avons  vu  jusqu'ici  que  le  gentilhomme  rem- 
pli de  courtoisie ,  l'ami  des  lettres  et  des  beaux  arts, 
ouvrant  ses  salons  aux  philosophes ,  aux  poètes  et 
même  à  M^^®  Clairon  ;  mais  les  documents  contem- 
porains nous  le  font  également  connaître  dans  l'exer- 
cice des  hautes  fonctions  qu'il  remplissait  en  Pro- 
vence. 

Maréchal  de  camp  des  armées  du  roi  ,  Valbelle 
s'était  brillamment  conduit  dans  diverses  circonstan- 
ces ,  et,  la  paix  lui  laissant  des  loisirs  ,  il  était  rentré 
dans  ses  terres  auprès  de  sa  mère  qu'il  affectionnait 
tendrement.  Dès  son  arrivée,  il  fut  élu  procureur  du 
pays  pour  la  noblesse  par  l'assemblée  provinciale  (1). 


(1)  «  L'assemblée  a  unanimement  nommé  M.  le  Comte  de  Valbelle  pour 
remplir  la  place  de  procureur  du  pays  joint  pour  la  noblesse,  et  a  chargé 
les  sieurs  maire,  consul  et  députés  de  Saint-Maximin  et  de  Rians  de  faire 
savoir  à  M.  le  comte  de  Valbelle  sa  nomination  à  partir  du  1"  janvier 
1774  ».  (Délib.  du  l«f  décembre  1773). 


—    26    — 

Il  était  depuis  quelques  mois  à  peine  revêtu  de  ces 
fonctions  lorsqu'il  fut  nommé  «  lieutenant  du  Roi  » 
en  Provence.  Les  Procureurs  du  pays  lui  adressè- 
rent à  cette  occasion  des  félicitations  sympathiques 
et  il  y  répondit ,  le  18  juin  1774  ,  en  ces  termes  : 

«  Je  sens  comme  je  le  dois,  Messieurs,  le  prix  des 
témoignages  de  bonté  et  d'amitié  que  vous  voulez 
bien  me  donner ,  la  grâce  que  le  Roi  vient  de  me 
faire  ne  me  vaudra  certainement  rien  qui  puisse 
me  toucher  et  me  flatter  davantage.  Mon  service  ne 
s'étendanl  que  sur  la  partie  militaire,  j'espère  que 
vous  trouverez.  Messieurs,  qu'il  n'est  point  incompa- 
tible avec  la  place  que  j'ai  Thonneur  d'occuper  dans 
Tadministration.  Je  m'estime  très  heureux  ,  que  mon 
goût  pour  mon  métier  et  mon  zèle  pour  le  service  du 
roi,  puissent  se  combiner  avec  mon  zèle  pour  le  ser- 
vice de  la  province.  » 

En  1777  le  lieutenant  du  roi  reçut,  des  officiers  en 
garnison  à  Antibes,  une  réclamation  qui  lui  parut 
fondée;  mais  comme  il  s'agissait  d'un  impôt  légale- 
ment voté  par  la  communauté  de  cette  ville,  il  en 
référa  aux  Procureurs  du  pays  ses  collègues  ,  et  tout 
en  reconnaissant  le  droit  strict  des  consuls  d'Anti- 


—    27    — 

bes ,  il  mit  en  lumière  avec  beaucoup  de  tact  le  côté 
défectueux  d'une  imposition  qui  pesait  lourdement 
sur  les  officiers  et  n'était  pas  supportée  par  les  ha- 
bitants. 

Le  11  janvier  de  l'année  suivante^  le  Comte  de 
Valbelle  reçut  une  plainte  des  consuls  d'Aîx  ,  pro- 
cureurs du  pays  ,  ses  collègues  ,  contre  un  sieur  de 
Clerberq  qui  avait  insulté  une  patrouille  ;  il  s'em- 
pressa de  leur  répondre  en  ces  termes  : 

a  Je  pense ,  Messieurs ,  que  moins  les  patrouil- 
les sont  imposantes,  plus  toutes  les  autorités  doi- 
vent se  réunir  pour  les  faire  respecter.  La  Maré- 
chaussée étant,  à  Aix  ,  le  seul  corps  auquel  j'ai  des 
ordres  à  donner,  j'écris  à  M.  de  Laurens  pour  qu'il 
envoie  chercher  le  sieur  de  Clerberq ,  et  que  je 
puisse,  d'après  le  compte  qui  m'en  sera  rendu  ,  pro- 
noncer sur  les  satisfactions  qui  vous  sont  dues.  Ce- 
pendant j'ai  l'honneur  de  vous  prévenir  que  l'autorité 
que  le  roi  a  bien  voulu  me  confier  dans  cette  province 
ne  s'étendant  que  sur  le  militaire  et  ne  me  donnant 
action  au  civil  que  dans  le  cas  où  le  service  du  roi 
peut  être  intéressé ,  si  M.  de  Clerbecq ,  que  vous  me 
faites  l'honneur  de  me  dire  garde  du  roi  ,  n'était  pas 


--    28    — 

dans  ce  corps,  je  ne  pourrais  voir  en  lui  qu^un  citoyen 
ordinaire  ,  et  dès  lors  il  aurait  cessé  d'être  sous  ma 
discipline.  J'ai  Thonneur  d'être,  etc.  Le  Comte  de 
Valbelle  ». 

Les  nouvelles  fonctions  que  Valbelle  remplissait 
en  Provence  ne  lui  permettant  plus  de  demeurer  à 
Paris  où  il  possédait  un  hôtel  situé  rue  du  Bac  (1), 
il  loua  cet  immeuble  au  marquis  de  Monteynard  _, 
lieutenant  général  des  armées  du  roi ,  gouverneur 
de  l'île  de  Corse  (2). 

Divers  actes  passés  chez  M^  d'Astros  ,  notaire  à 
Tourves  ,  de  1773  à  1778,  indiquent  que  le  Comte  de 
Valbelle  résidait  tantôt  à  Aix  ,  tantôt  à  Tourves  (3), 

(1)  Cet  hôtel  porte  aujourd'hui  le  a»  34  de  la  rue  du  Bac  ,  en  face  de  la 
rue  de  Gubeauval,  Acquis  des  héritiers  du  comte  de  Valbelle  sous  l'Em- 
pire par  Fouché  ,  duc  d'Otrantc,  il  était  devenu,  en  1834,  la  propriété  du 
comte  de  Lanjuinais.  {Les  anciens  hôtels  de  Paris  ,  par  le  comte  d'Ar- 
court.—  Paris,  1880,  p    107). 

(2)  Par  un  acte  du  1-2  novembre  1774,  notaire  d'Astros  ,  le  comte  de  Val- 
belle donne  les  pouvoirs  nécessaires  k  son  agent  à  Paris,  pour  toucher  les 
loyers  de  cette  location. 

(3)  En  1708.  le  Comte  de  Valbelle  avait  pris  diverses  dispositions  pour 
rendre  son  séjour  à  Tourves  le  plus  agréable  possible.  Par  un  acte  du  27 
août  de  cette  même  année,  il  acheta  :  «  tous  les  arbres  de  la  propriété  du 


—    29    — 

et  qu'iJ  ne  faisait  plus  que  de  très  rares  voyages  à 
Paris.  Il  s'y  était  rendu  ,  cependant ,  vers  la  fin  de 
1778 ,  et  y  mourut  subitement  le  18  novembre ,  au 
moment  où  il  venait  d'obtenir  une  situation  plus  im- 
portante que  celle  qu'il  occupait  (1). 

Dès  qu'elle  reçut  cette  terrible  nouvelle ,  M"^^  la 
marquise  de  Valbelle  partit  pour  Paris.  Elle  y  était 
encore  le  22  janvier  1779,  lorsque  les  procureurs  du 
pays  lui  adressèrent  la  lettre  de  condoléance  que 
nous  reproduisons  ci-après  : 


sieur  Plauchier,  située  au  quartier  de  l'ancienne  paroisse,  confrontant,  du 
levant,  la  rue  ;  du  midi,  Pierre  Pélissier  ;  du  couchant  et  du  septentrion  , 
le  chemin  ;  !e  tout  avec  condition  que  ledit  Plauchier  ne  pourra  jamais 
élever  dans  la  dite  terre  aucune  cabane  ,  ni  édifice  ,  ni  y  agréger  aucun 
arbre,  mais  seulement  des  plantes  ,  à  l'effet  que  la  vue  de  l'Esplanade  du 
seigneur  comte  de  Valbelle  ne  soit  jamais  bornée  ».  (Minutes  de  Balthézar 
d'Astros,  not.  à  Tourves  1768,  fol.  239).  Aujourd'hui  M«  Monier,  notaire.» 
(1)  «  Le  Comte  de  Valbelle  mourut  à  Pajis  d'une  attaque  d'apoplexie  fou- 
droyante ,  le  18  novembre  1778,  étant  à  peine  âgé  de  49  ans.  L'avant  veille 
de  sa  mort,  le  roi  avait  signé  pour  lui  la  grande  pancarte  de  commandement 
pour  le  civil  en  Provence  ,  et  que  de  bien  n'en  devaient  pas  attendre  la 
province  entière  et  la  ville  d'Aix  en  particulier  dont  il  soutenait  à  la  Cour 
les  droits  et  1ns  intérêts  dans  toutes  les  occasions.  »  (Roux  Alphéran. 
Les  Rues  d'Aix.  Tome  I,  page  519). 


—  so- 
ft Madame,  nous  nous  empressons  ,  dans  les  pre- 
miers moments  de  notre  exercice  ,  de  témoigner  à 
une  mère  respectable  tout  ce  que  nous  devons  à  la 
mémoire  d'un  tel  fils  ,  que  la  province  et  la  ville  d'Aix 
se  feront  toujours  un  honneur  de  compter  dans  la 
classe  de  ces  hommes  rares  qui  se  distinguent  autant 
par  leurs  sentiments  que  par  leurs  bienfaits.  Nous 
n'exprimons  ici  que  le  vœu  commun  de  tous  les  bons 
citoyens  ,  et  nous  ne  laisserons  jamais  échapper  au- 
cune occasion  de  faire  éclater  notre  reconnaissance. 
—  Nous  sommes  avec  un  respectueux  attachement, 
etc.  »  (1). 

j^jmt  ç[q  Valbelle  répondit  le  30  janvier  en  ces  ter- 
mes : 

«  La  lettre  dont  vous  m'avez  honorée ,  Messieurs, 
me  flatte  infiniment.  J'ensuis  bien  reconnaissante, 
ainsi  que  de  ce  que  vous  dites  sur  la  mémoire  du 
comte  de  Valbelle.  Je  désire  que  vous  veuilliez  bien 
décider  comment  je  peux  exécuter  ses  volontés  sur 
l'article  de  la  pauvre  fille  d'Aix  à  marier;  je  ne  puis 
avant   [de   connaître  votre  décision]    m'occuper  des 

(l)  Archives  des  Bouclies-du-Rliône.  Série  C.  Reg.  13GG,  foi.  15i?. 


—    31     — 

lettres  patentes  nécessaires. —  Je  vous  en  prie  ,  Mes- 
sieurs ,  excusez  si  je  vous  en  parle  icy  ,  je  sens  que 
je  ne  dois  penser  qu'à  vous  remercier  et  vous  pré- 
senter les  respectueux  sentiments  avec  lesquels  j'ai 
l'honneur  d'être  ,  Messieurs  ,  votre  très  humble  et 
très  obéissante  servante:  Valbelle^de  Valbelle  ». 

La  marquise  de  Valbelle  était  à  Paris  pour  recueil- 
lir les  restes  de  son  fils  et  les  faire  porter  en  Pro- 
vence, dans  la  chapelle  de  la  Chartreuse  de  Mon- 
trieux  ,  où  il  avait  exprimé  le  désir  d'être  enterré. 
Le  comte  de  Valbelle  avait  fait  sa  mère  héritière  uni- 
verselle, par  un  testament  en  date  du  26  juin  1773  , 
dont  elle  exécuta  toutes  les  dispositions  avec  un 
tendre  empressement. 

A  peine  âgé  de  44  ans ,  plein  de  vie  ,  le  comte  de 
Valbelle  avait  eu  la  pensée  de  faire  son  testament , 
sans  doute  afin  d'assurer,  par  un  acte  solennel,  l'ave- 
nir d'un  enfant  que  son  frère  lui  avait  recommandé  et 
qui ,  d'après  le  sentiment  général  ,  devait  être  le  fils 
naturel  de  ce  dernier. 

Ce  testament  est  intéressant  a  plus  d'un  titre.  Le 
comte  de  Valbelle  (1),  ce  philantrope  quelque  peu 

(1)  c  Je   soussigné   Joseph-Alphonse-Omer   de  Valbelle  d'Oraison  ,  des 


—     32     — 

voltairien^  implore  tout  d'abord  la  miséricorde  divine: 
«  Je  recommande  mon  âme  à  Dieu  ;  en  Toffensant 
je  ne  puis  jamais  avoir  eu  le  projet  insensé  de  l'offen- 
ser ;  ainsi,  quelque  soit  le  nombre  de  mes  fautes  , 
comme  elles  n'ont  pas  été  volontaires ,  c'est  avec 
confiance,  que  je  m'abandonne  à  sa  miséricorde  ». 
11  s'occupe  ensuite  du  lieu  de  sa  sépulture. 
«  Je  lègue  aux  révérends  chartreux  de  Montrieux, 
en  Provence,  dont  Guillaume  Bertrand  et  autres  du 
nom  de  Valbelle,  des  vicomtes  de  Marseille,  mes  an- 
cêtres, furent  premiers  bienfaiteurs,  dès  le  XII®  siècle, 
la  somme  de  six  mille  livres  ,  et  je  prie  les  révérends 
pères  de  recevoir  mon  corps  après  ma  mort,  en  té- 
moignage de  Taffection  héréditaire  que  j'ai  toujours 
eue  pour  leur  maison.  Je  veux  être  enterré  dans  la 
paroisse  où  je  mourrai  (1),  et  mon  intention  est  qu'il 


anciens  vicomtes  de  Marseille,  niaroclial  des  camps  et  armées  da  rov,  baron 
du  Dauphiné  ,  marquis  de  Tourves  ,  de  Rians  ,  de  Montfuron  ,  comte  de 
Sainte-Tulle  ,  vicomte  de  Cadenet  ,  baroo  de  Meyrartiues  ,  seigneur  de  Val- 
belle,  de  Cucuron  et  autres  lieux  ,  lieutenant  du  roi  en  Pravence,  fils  de 
très  haut  et  très  puissant  seigneur  André-Geoflroy  de  Valbelle  et  de  très 
liautc  et  trl's  puissante  dame  Marguerite-Delpbine  de  Valbelle.  > 

(1)  Il  mourut  h  Paris  ,  mais  son  corps  fut  transporté  k  Montrieux,  et  ses 
restes  furent  renfermés  dans  le  Mausolée  que  sa  mère  lui  lit  élever  dans  la 
chapelle  de  cette  chartreuse. 


I 


—    33    — 

me  soit  élevé  un  Mausolée ,  pour  lequel  je  veux  qu'il 
soit  employé  la  somme  de  vingt  mille  livres  (1). 

Il  lègue  ensuite  quatre  mille  livres,  pour  doter  cinq 
filles  pauvres  à  Tourves ,  cinq  à  Meyrargues  ,  cinq  à 
Gadenet  et  cinq  à  Valbelle.  Le  choix  de  ces  jeunes 
filles  sera  fait ,  à  la  pluralité  des  voix  ,  par  le  curé  et 
les  consuls  ,  anciens  et  nouveaux  ,  de  chacune  de 
ces  localités. 

Une  somme  suffisante  sera  affectée  à  l'acquisition 
d'une  terre,  dont  les  revenus  devront  s'élever  à  550 
livres  ,  et  cette  rente  sera  donnée  à  un  pauvre  gentil- 
homme de  la  province  ,  officier  de  terre  ou  de  mer  , 
qui  aura  servi  dix  ans  avec  honneur,  et  qui  en  jouira 
pendant  le  reste  de  sa  vie.  «  Cet  officier ,  ainsi  que 
celui  qui  sera  nommé  après  lui^  et  ainsi  des  autres 
successivement ,  sera  mis  en  possession  de  cette 
rente  par  l'assemblée  générale  de  la  noblesse  de  Pro- 
vence, sur  la  présentation  qu'en  feront  les  syndics  ». 

Il  lègue  à  la  ville  d'Aix  la  somme  de  30^000  livres^ 
«  laquelle  somme  sera  employée  à  élever  un  obélis- 


(1)  Cette  intention  prouve  bien  la  fausseté  de  la  légende  ,  qui  veut  que 
Valbelle  ait  fait  construire  ce  mausolée  de  son  vivant. 

3 


—    34    — 

que  au  milieu  du  rond  des  Minimes  ,  sur  le  grand 
chemin  d'Aix  à  Avignon  ,  et  à  décorer  cette  place.  » 

Puis  vient  une  fondation  perpétuelle  en  faveur  d'un 
littérateur  :  «  Je  prie  Messieurs  de  l'Académie  fran- 
çaise de  Paris  ,  de  trouver  bon  que  je  leur  laisse  la 
somme  de  24,000  livres,  une  fois  payée  ,  pour  la  pla- 
cer le  plus  avantageusement  et  le  plus  solidement 
que  faire  se  pourra  ,  les  priant  de  vouloir  bien  ,  à  la 
pluralité  des  suffrages  ,  décerner  tous  les  ans  le  re- 
venu qui  proviendra  de  ce  capital  à  tel  homme  de 
lettres ,  ayant  déjà  fait  ses  preuves  ou  donnant  seule- 
ment des  espérances  ,  qu'ils  jugeront  à  propos,  pou- 
vant les  décerner  plusieurs  années  de  suite  au  même, 
et  y  revenir  après  avoir  discontinué,  ainsi  qu'ils  trou- 
veront bon  et  honnête  à  faire  ». 

Il  n'oublie  pas  ses  serviteurs  :  «  Je  laisse  mes 
habits,  mon  linge  et  mes  dentelles  à  partager  entre 
mes  deux  valets  de  chambre.  Je  laisse  à  tous  ceux  de 
mes  gens  qui  seront  à  mon  service  lors  de  mon  décès, 
et  qui  m'auront  servi  six  années,  une  pension  via- 
gère à  chacun  d'eux  égale  au  montant  de  leurs  gages 
si  leurs  gages  sont  de  plus  de  trois  cents  livres,  et 
la  pension  sera  de  trois  cents  livres  pour  tous  ceux 


—    35    — 

dont  les  gages  sont  au-dessous  de  cette  somme;  mon 
Livre  de  raison  servira  à  constater  cet  état ,  et  quoi- 
que Lacombe  ,  mon  concierge  à  Aix  ne  soit  pas  cou- 
ché sur  mon  Livre  de  raison,  j'entends  qu^'il  soit  traité 
comme  ceux  qui  s'y  trouvent.  J'entends  de  plus  que 
si  Bourgogne,  mon  maître  d'hôtel,  n'avait  pas  à  mon 
décès  le  temps  de  service  que  je  prescris  pour  avoir 
la  pension  égale  au  montant  de  ses  gages ,  il  soit 
traité  néanmoins  comme  s'il  avait  ce  temps  de  ser- 
vice. Je  laisse  à  tous  autres  de  mes  domestiques 
compris  sur  mon  Livre  de  raison,  et  qui  ne  m'auraient 
pas  servi  l'espace  de  six  années ,  une  gratification 
une  fois  payée,  laquelle  gratification  sera  de  la  somme 
égale  à  celle  que  formeraient  leurs  gages  pendant 
tout  le  temps  qu'ils  m'auront  servi  ». 

Cette  sollicitude  pour  des  serviteurs  qui  remplis- 
saient ses  hôtels  ,  son  château  et  ses  résidences  di- 
verses ,  est  à  noter  ;  elle  témoigne  de  la  bonté  de  son 
cœur  en  même  temps  qu'elle  indique  un  train  de 
maison  princier. 

Voici  maintenant  le  point  délicat:  la  part  considéra- 
ble qu'il  fait,  dans  la  répartition  de  sa  fortune,  en 
faveur  d'un  sieur  de  Gaussini ,  qui  passait  pour  être 


—    36    — 

le  flls  de  son  frère  le  marquis  de  Valbelle  ,  et  qui 
d'ailleurs  ressemblait  parfaitement  à  ce  dernier. 

«  Je  recommande  aux  bontés  de  ma  mère  et  aux 
soins  de  Messieurs  Siméon  et  Sallier,  Joseph-Louis 
de  Gaussini,  fils  de  Joseph-Alphonse  de  Caussini  et 
de  Marie-Louise  de  Pioncamp ,  baptisé  à  Saint-Paul 
à  Paris  ,  le  15  février  1759;  je  lègue  au  dit  Joseph- 
Louis  de  Caussini  la  terre  de  Vallée  ,  celle  de  Villon, 
celle  de  Beuvons  et  celle  de  Valbelle  et,  en  ce,  je 
l'institue  mon  héritier  particulier.  Mon  intention,  de 
plus  ,  est  que  le  dit  Joseph-Louis  de  Caussini ,  lors- 
qu'il voudra  se  faire  pourvoir  de  quelque  charge  ho- 
norable, puisse  prendre  sur  tout  mon  héritage  la 
somme ,  une  fois  payée  ,  de  soixante  mille  livres,  et 
qu'il  puisse  prendre  autre  somme  de  soixante  mille 
livres  lorsqu'il  se  mariera  ,  à  la  condition  que  la  de- 
moiselle qu'il  épousera  soit  noble  et  n'apporte  aucun 
obstacle  à  l'entrée  dans  l'Ordre  de  Malte  ». 

Immédiatement  après  ce  témoignage  d'affection 
donné  au  fils  naturel  de  son  frère  (ou  qui  passait  pour 
tel),  le  comte  de  Valbelle  songe  à  l'actrice  qui  lui  fut 
très  attachée  et  il  lui  laisse  un  souvenir  important: 

«  Je  lègue  à  mademoiselle  Clairon  ,  pensionnaire 
du  roi,  une  rente  viagère  de  quatre  mille  livres  ». 


—    37    — 

Il  lègue  ensuite  une  pension  viagère  de  mille  livres 
à  M.  l'abbé  de  Montclar  «  ci-devant  jésuite  »  qui  fut 
son  régent;  un  diamant  de  douze  mille  livres  à  M. 
Siméonpère,  avocat  au  parlement  d'Aix  ,  et  un  autre 
diamant  de  la  même  valeur  à  M.  Sallier,  avocat  au 
dit  parlement. 

Puis  viennent  des  legs  particuliers  qu'il  accompa- 
gne toujours  d'une  parole  gracieuse^  qui  doit  en  dou- 
bler le  prix. 

«  Je  laisse  à  M.  de  Ballon  mon  cousin  ,  conseiller 
au  Parlement ,  une  de  mes  tabatières  à  choisir  ,  que 
je  le  prie  de  vouloir  bien  accepter  comme  une  légère 
marque  de  mon  souvenir  et  de  mon  amitié. 

«  Je  laisse  à  M.  le  marquis  de  Marignane,  une  de 
mes  tabatières  à  choisir  et  ma  bague  de  pierre  gra- 
vée représentant  Henri  IV;  il  doit  à  mes  sentiments 
pour  lui  de  vouloir  bien  l'accepter. 

«  Je  laisse  à  M.  le  vicomte  de  La  Rochefoucault 
de  Surgères  mes  tablettes  de  lacque  ,  montées  en  or 
et  garnies  de  huit  portraits^  et  je  le  prie  de  les 
accepter  comme  un  présent  que  lui  fait  mon  cœur.  » 

Quels  étaient  ces  huit  portraits  ,  représentaient-il 
des  parents  ou  des  amis,  des  fidèles  de  sa  cour  d'à- 


—    38    — 

mour  ou  des  actrices  de  la  comédie  française  ?  nos 
recherches  sont  restées  infructueuses  à  cet  égard. 

Nous  ne  connaissons  que  les  nobles  dames  men- 
tionnées dans  son  testament  et  pour  lesquelles  il 
manifeste  des  sentiments  très  respectueux. 

«  Je  laisse  à  madame  de  Croze,  née  de  Charleval, 
ma  montre  à  répétition  émaillée,  garnie  de  diamants, 
la  chaîne  et  les  cachets  avec  ma  bague  de  cristal  vert 
entourée  de  diamants  et  un  chiffre  de  diamants;  l'hon- 
nêteté et  le  respect,  qui  ont  toujours  accompagné  mes 
sentiments  pour  elle,  ne  lui  permettent  pas  de  refuser 
cette  marque  de  mon  souvenir. 

«  Les  mêmes  motifs  me  rappellent  les  dames  ci- 
après  : 

«  Je  laisse  à  Madame  la  marquise  de  Roye,  née 
mademoiselle  deMailly,  ma  tabatière  d'émail  gris, 
montée  en  or,  avec  une  miniature  au  milieu,  entourée 
de  diamants;  j'espère  de  ses  bontés  qu'elle  ne  me 
refusera  pas  de  l'accepter. 

«  Je  laisse  à  Madame  la  marquise  Des  Roland,  née 
mademoiselle  de  Montvallon,  ma  tabatière  d'or  ronde 
émaillée  en  rouge  et  le  diamant  blanc  que  je  porte  à 
mon  col  ;  les  bontés  dont  tous  les  siens  m'honorent  , 


i 


-     39    — 

mon  respect  et  mon  attachement  pour  elle  ,  lui  font 
une  loi  de  ne  pas  refuser  la  grâce  que  je  lui  demande 
d'accepter  cette  marque  de  mon  souvenir. 

«  Je  laisse  à  Madame  Landri ,  née  mademoiselle 
Bourret,  ma  tabatière  représentant  des  vues  de 
Tourves ,  que  je  la  prie  d'accepter  comme  un  gage 
de  la  reconnaissance  que  j'ai  de  l'amitié  qu'elle  m'a 
toujours  témoignée. 

«  Je  laisse  à  Madame  d'Adhémar  ,  ma  belle-sœur, 
une  de  mes  bagues  à  choisir,  comme  une  faible  mar- 
que de  l'amitié  que  j'ai  toujours  eue  pour  elle  ». 

La  part  faite  à  l'amitié  et  peut-être  aux  sentiments 
plus  tendres  que  Clairon  l'accusait  de  prodiguer  au- 
tour de  lui,  le  comte  de  Valbelle  laisse  encore  quel- 
ques souvenirs  à  sa  sœur  et  à  son  beau-frère ,  et 
enfin  institue  sa  mère  sa  légataire  universelle. 

«  Je  lègue  à  M.  le  marquis  de  Castellane  ,  mon 
beau-frère,  mes  boutons  de  manche  de  diamant; 
c'est  par  la  façon  dont  je  vais  m'occuper  de  ses 
enfants  que  je  chercherai  à  lui  prouver  que  je  lui 
suis  tendrement  attaché. 

«  Je  lègue  à  M"^^  la  marquise  de  Castellane ,  ma 


—    40    - 

sœur ,  mes  boucles  de  souliers  de  diamant  comme 
un  gage  de  ma  tendre  amitié  pour  elle  (1). 

«  Je  lègue  à  Marie-Polixène-Sextia  de  Castellane, 
ma  nièce ,  la  somme  de  cinquante  mille  livres  ,  une 
fois  payée. 

«  En  tous  mes  biens,  noms ,  droits  et  actions  quel- 
conques ,  de  quelque  part  qu'ils  me  viennent  ou  me 
soient  échus,  j'institue  pour  mon  héritière  universelle 
Madame  Marguerite-Delphine  de  Valbelle  ,  ma  mère, 
pour  en  faire  et  disposer  ainsi  qu'elle  trouvera  bon, 
la  priant  de  les  rendre  après  elle  à  André-Joseph- 
Marie-Gaspard  de  Castellane  et  à  Henry-Auguste- 
Alphonse  de  Castellane  ,  mes  neveux,  enfants  de  ma 
sœur,  pour  partager  entre  eux  également. 

«  Tel  est  mon  dernier  testament  et  mes  dernières 
voloi)lés  que  je  veux  être  ponctuellement  exécutées. 

«  Fait  double  à  Aix,  le  26  juin  l'^73,  et  j'ai  signé 


(1)  Ce  legs  peu  important  et  son  objet  même  ont  donné  naissance  à  una 
singulière  tradition  ,  qui  a  frappe  vivement  l'imagination  des  habitants  de 
Tourves.  où  l'on  raconte  ,  arec  conviction  ,  que  M°'  de  Castellane  n'eut 
dans  sa  part  d'héritage  qu'une  paire  de  bottes. 


—    41     — 

au  bout  de  chaque  page  »  Signé  :  Comte  de  Val- 
belle  (1). 

Le  comte  de  Valbelle  vécut  encore  cinq  ans.  Il  de- 
meura presque  toujours  en  Provence ,  à  Aix  dans 
son  hôtel ,  situé  rue  Bellegarde  (2),  et  à  Tourves  , 
dans  son  château  «  qui  était,  d'après  Roux  Alphéran, 
le  rendez-vous  des  hommes  les  plus  galants  et  des 
dames  les  plus  aimables  de  la  province  (3)  ».  Il  mou- 

(J)  Registre  des  insinuations  n*  128,  fol.  929. 

(2)  Le  vaste  et  bel  hôtel  situé  un  peu  au-dessous  de  la  maison  Tourna- 
toris  (rue  Bellegarde)  .  fut  bâti ,  vers  la  fin  du  XYII»  siècle  ,  par  Joseph- 
Anne  de  Valbelle,  marquis  de  Tourves,  comte  de  Sainte-Tulle,  reçu  prési- 
dent au  parlement  en  1686,  et  qui  mourut  en  1722.  La  maison  de  Valbelle, 
originaire  de  Marseille  et  féconde  en  personnages  de  mérite,  était  alors 
divisée  en  quatre  branches  dont  deux  s'éteignirent  vers  la  même  époque, 
savoir  celle  des  seigneurs  de  Beaumelle  et  d'Aiglun  ,  qui  était  l'aînée  de 
toutes,  en  1716  ,  et  celle  des  marquis  de  Montfuron  qui  était  demeurée  k 
Marseille,  en  1732.  La  fortune  dont  elles  jouissaient  vint  accroître  celle  des 
deux  autres  branches  établies  à  Aix  depuis  un  siècle  environ  ,  et  qui  se 
réunirent,  en  1723,  par  le  mariage  d'André-Geoffroi  de  Valbelle  ,  marquis 
de  Rians  ,  baron  de  Meyrargues  ,  avec  Marguerite-Delphine  de  Valbelle 
Tourves  ,  petite-fille  de  Joseph -Antoine  >  et  qui  fut  la  mère  du  comte  de 
Valbelle  dont  nous  venons  d'analyser  le  testament.  (Rues  d'Âix  ,  tome  I, 
p.  507). 

(3)  «  Joseph-Alphonse-Omer ,  comte  de  Valbelle  ,  maréchal  des  camps  et 
armées  du  roi ,  né  à   Aix  ,  le  18  juin  1729  ,  fut  l'un  des  hommes  les  plus 


—    42    — 

rut,  comme  nous  l'avons  dit,  le  18  novembre  1778.  Sa 
mère  mit  un  grand  empressement  à  exécuter  toutes 
ses  volontés. 

La  première  pensée  de  M'^^  la  marquise  de  Val- 
belle^  après  avoir  recueilli  les  restes  du  comte,  fut 
sans  doute  d'écrire  en  province  pour  lui  faire  élever 
un  mausolée,  et  d'y  affecter  la  somme  de  20000  livres 
déterminée  par  une  clause  de  son  testament.  Mais , 
en  même  temps  qu'elle  s'occupait  de  ce  soin  pieux  , 
elle  demanda  à  Houdon  de  faire  le  buste  de  son  fils; 


aimables  de  son  temps.  Devenu,  en  1767,  par  la  mort  du  marquis  de  Val- 
belle,  son  frère  aîné,  qui  ne  laissait  point  d'enfants  ,  l'unique  héritier  du 
nom  et  des  diverses  branches  de  la  maison,  il  fut  en  même  temps  marquis 
de  Tourves.  de  Rians,  de  Monlfuron,  comte  de  Sainte-TuHe  et  de  Ribiers, 
vicomte  de  Cadeiiet,  baron  de  Mcyrargues  ,  ce  qui  lui  donna  des  reyenus 
immenses  qu'il  sut  employer  tour  à  tour,  au  soulagement  des  pauvres  ,  à 
l'encouragement  des  artistes  ,  au  plaisir  et  à  la  gloire.  On  parle  encoru 
du  grand  état  de  maison  qu'il  tenait  à  Paris  comme  à  Aix  ,  et  plus  encore 
k  Tourres,  où  son  château  .  démoli  pendant  la  Révolotion,  était  ie  rendez- 
vous  des  hommes  les  plus  galants  et  des  dames  les  plus  aimables  de  la 
province.  C'est  ce  qu'on  appelait  avec  raison  une  nouuclle  Cour  d'amour, 
où  les  fêtes  les  plus  brillantes  et  les  mieux  ordonnées  se  succédaient  avec 
tout  le  luxe  et  la  splendeur  imaginables  >.  (Roux  Alphiran.  Les  Rues 
d'Aix,  tome  I",  p   509). 


I 


—    43    — 

'elle  lui  remit  un  excellent  portrait  et  cet  artiste  célè- 
bre qui  d'ailleurs  l'avait  connu  ,  s'aidant  de  ses  sou- 
venirs personnels,  fit  une  œuvre  très  remarquable  au 
double  point  de  vue  de  l'exécution  artistique  et  de  la 
ressemblance. 

Ce  buste  en  marbre,  placé  au  milieu  des  quatre 
statues  qui  ornaient  le  mausolée  du  comte  de  Val- 
belle  ,  à  la  Chartreuse  de  Montrieux,  est  aujourd'hui 
conservé  dans  le  Musée  de  la  ville  de  Draguignan. 
Une  copie  en  plâtre  ,  ou  l'original  lui-même  exécuté 
en  plâtre  ,  se  trouve  au  Musée  de  Versailles,  dans 
une  salle  affectée  au  Sénat  (1).  C'est  le  même  buste 
sans  doute  dont  il  est  fait  mention  en  ces   termes  , 


(1)  «  Le  marbre  (de  Draguignan).  a  peut-être  été  exécuté  d'après  l'originai 
en  plâtre  de  l'Académie.  C'est  ce  plâtre  que  nous  avons  ,  je  crois,  à  Ver- 
sailles, tout  semble  l'indiquer.  Les  coutures  du  moulage  ont  été  grattées 
avec  soin,  mais  elles  paraissent  encore  et  laissent  deviner  un  moule  en 
deux  parties,  ce  qui  est  toujours  le  procédé  employé  sur  le  travail  original. 
En  outre  ,  dans  les  cheveux ,  dans  les  sourcils  ,  on  sent  le  travail  de  la 
terre-glaise.  Les  yeux ,  notamment  l'iris  de  l'œil  gauche  ,  ne  sont  pas 
exécutés  comme  dans  le  marbre  de  Draguignan.  Ce  plâtre  est  signé  sous 
le  bras  droit  :  Houdon,  1779  ».  (Lettre  de  M.  Charles  Gosselin  ,  conser- 
vateur du  musée  de  Versailles,  du  7  août  1889). 


—    44    — 

dans  la  biographie  de  Houdon ,  publiée  par  MM. 
Emile  Délerot  et  Arsène  Legrelle  : 

«  Le  25  août  1779  ,  l'Académie  française  avait 
tenu  sa  séance  publique  annuelle  ,  dite  de  la  Saint- 
Louis.  Houdon  honorait  de  sa  présence  cette  solen- 
nité ;  il  avait  du  reste  sa  part  dans  cette  fête  acadé- 
mique et  dans  le  grand  événement  dujour.  M.  de 
Valbelle ,  mort  en  1778,  avait  légué  24,000  livres  à 
l'Académie.  La  compagnie  reconnaissante,  décida  que 
l'éloge  de  son  riche  bienfaiteur  serait  lu  dans  une 
séance  publique  par  son  secrétaire-perpétuel ,  et  que 
son  buste  serait  placé  dans  la  salle  des  assemblées 
ordinaires  avec  cette  inscription  : 

«  Joseph-Alphonse-Omer,  comte  de  Valbelle  , 
bienfaiteur  des  lettres. 

«  Naturellement^  Houdon  avait  été  chargé  de  ce 
nouveau  travail  ,  et  bien  qu'il  n'eut  pu  le  faire  qu'a- 
près la  mort  de  son  modèle  ,  il  réussit  à  atteindre  la 
plus  parfaite  ressemblance.  On  eut  dit  vraiment  qu'il 
avait  un  secret  merveilleux  pour  retrouver  la  vie  au 
sein  même  de  la  mort  (1). 

(1)  Houdon  avait  eu  cvidcmmonl  sous  les  yeux  un  bon  portrait  du  Comte 


1 


—    45    — 

«A  la  fin  de  la  séance,  le  buste  fut  mis  sous  les 
yeux  du  public.  On  admira  d'abord  silencieusement; 
mais  quelques  regards  indiscrets  ayant  découvert 
dans  l'assemblée  le  timide  Houdon ,  qui  semblait 
comme  confus  de  son  triomphe  et  désireux  de  s'y 
dérober  ^  trahirent  son  incognito  et  les  espérances 
déçues  de  sa  charmante  modestie  (1)  ». 

«  Le  buste  de  Houdon,  dit  un  autre  narrateur  de 
cette  journée  ,  fut  plus  applaudi  que  l'éloge  de  d'A- 
lembert  (2)  ». 

Tandis  que  le  moulage  en  plâtre  demeurait  dans  la 
salle  des  séances  de  l'Académie  française  ,  le  buste 

que  lui  avait  remis  M^^Ma  marquise  de  Valbelle  Le  buste  en  marbre  avait 
été  exécuté  pour  le  mausolée  du  comte;  mais  l'artiste  en  avait  fait  une  copie 
ponr  l'Académie.  Il  est  certain  que  la  marquise  de  Valbelle  y  avait  consenti 
et  qu'elle  avait  été  heureuse  de  se  prêter  à  une  manifestation  qui  honorait 
la  mémoire  de  son  fils.  Cependant  il  ne  serait  pas  impossible  que  l'original 
eut  été  exécuté  en  terre  glaise  et  que  Houdon  en  ait  fait  ensuite  deux  co- 
pies, l'une  en  marbre  ,  pour  M™»  la  marquise  de  Valbelle,  et  l'autre  en 
plâtre,  pour  l'Académie. 

(1)  Mémoire  sur  la  vie  et  l'œuvre  de  J.-À.  Houdon  ,  par  MM.  Emile 
Délerot  et  Arsène  Legrelle  ,  publié  par  la  société  des  lettres  et  des  arts 
de  Seine-et-Oise.  Tome  IV,  1857,  p.  118. 

(2)  Mémoires  de  Madame  de  Genlis ,  t.  II,  p»  289. 


—    46    — 

en  marbre  du  comte  de  Valbelle  était  expédié  en  Pro- 
vence (1),  et  l'œuvre  si  parfaite  de  Houdon  ne  tardait 
pas  à  figurer  au  milieu  du  monument  funéraire  que 
la  marquise  de  Valbelle ,  ou  les  chartreux  de  Mon- 
trieux  ,  avaient  fait  exécuter  par  des  artistes  de  se- 
cond ordre. 

Le  mausolée  du  comte  de  Valbelle  fut  mis  en  place, 
dans  la  chapelle  des  chartreux  de  Montrieux  ,  vers 
le  commencement  de  1783  ;  une  note  consignée  dans 
la  comptabilité  de  ces  religieux  ne  laisse  aucun  doute 
à  cet  égard. 

«  Payé  à  M.  Christophe  Fossaty  sculpteur  ,  tant  en 
considération  de  ce  qu'il  a  été  perdant  aux  ouvrages 
du  mausolée  de  M.  de  Valbelle  ,  que  pour  les  peines 
qu'il  a  prises  pour  les  finir,  et  mieux  encore  pour 
divers  ouvrages  que  sa  police  (?)  ne  comportait  pas; 
surtout  pour  la    réparation   des  anciens   marbres; 


(1)  Il  est  certain,  d'après /fl  /j4/(;  des  autres  pirncipales  de  Houdon  , 
publiée  par  MM.  Délerot  et  Legrelle  ,  que  ce  célèbre  artiste  a  fait  deux 
bustes  de  Valbelle,  l'un  en  plâtre  et  l'autre  en  marbre  {Mémoires  de  la  So- 
ciété des  arts  et  belles-lettres  de  Seine-et-Oise,  1856,  p.  229);  or,  ce  der- 
nier buste  ne  peut  être  que  celui  qui  a  été  trouve  sur  le  mausolée  du 
comte  et  qui  orne  aujourd'hui  le  musée  de  Dr;)guigDan. 


i 


—    47    — 

enfin,  pour  autres  ouvrages  qu'il  a  fait  pour  assortir 
tout  l'ensemble  du  sanctuaire  ,  810  livres  (1)  ». 

Christophe  Fossaty  avait-il  exécuté  les  quatre  sta- 
tues qui  entouraient  le  buste  du  comte  de  Valbelle, 
ou  fut-il  seulement  appelé  pour  les  mettre  en  place  et 
ajouter  certains  détails  indiqués  par  les  chartreux? 
Ce  qui  est  très  évident,  c'est  que  ces  statues  que  l'on 
peut  encore  voir  à  Toulon,  àDraguignan,  à  la  Sainte- 
Baume  et  à  Fréjus  (2),  n'ont  rien  de  remarquable.  Ce 
sont  des  oeuvres  décoratives  ,  sommairement  sculp- 
tées par  des  artistes  sachant  travailler  le  marbre , 
mais  qui  ne  rappellent  en  rien  le  faire  délicat  et  sa- 
vant de  l'auteur  du  buste. 

Ces  statues  représentaient  quatre pZewreases  :  deux 
debout  et  deux  assises ,  dans  une  pose  attristée  et 
presque  abandonnée.  Les  chartreux  effarouchés  sans 
doute  par  l'aspect  plus  mondain  que  religieux  de  ces 
pleureuses,  convenablement  drapées,  il  est  vrai,  mais 


(1)  Comptes  du  f"  avril  1783  aul"  avril  1785,  dans  le  registre  des  dé- 
penses  des  chartreux  de  Montrieux.{kficm\E$  de  la  préfecturb  du  Var). 

(2)  Archives   de  la  préfecture  du  Var  ,  Mkounes.  Mobilier  de  la  char- 
treuse de  Montrieux,  fol.  60. 


—    48    — 

dont  Tatlitude  n'était  pas  celle  de  la  prière,  demandè- 
rent au  sculpteur  Fossaty  d'en  modifier  le  caractère 
général  en  ajoutant,  à  chacune  d'elles,  un  attribut  plus 
en  rapport  avec  le  monument  qu'elles  décoraient. 

La  première  statue  ,  qui  était  debout ,  reçut  une 
couronne,  et  l'urne  sur  laquelle  elle  s'appuyait  prit  la 
forme  d'un  écusson  aux  armes  de  Provence;  cette 
statue  représenta  dès  lors  \a  Provence  pleurant  un  de 
ses  enfants  les  plus  distingués. 

L'autre  statue  debout ,  moins  attristée  et  presque 
souriante,  devint  VEspérance. 

Un  glaive  fut  ajouté  à  la  3^  statue  pour  en  faire  la 
Force ,  et  rappeler  la  devise  des  Valbelle  :  Vertu  et 
fortune. 

Enfin,  la  quatrième,  un  peu  modifiée,  fut  transfor- 
mée en  Sainte  Monique  ,  la  mère  désolée  qui  pleurait 
les  erreurs  de  jeunesse  de  son  fils. 

Telles  étaient  les  dénominations  sous  lesquelles  on 
inventoria  ces  œuvres  d'art,  en  1790  ,  lorsque  la  mu- 
nicipalité prit  possession  de  la  chartreuse  de  Mon- 
trieux  ,  au  nom  de  la  Nation  : 

a  Le  17  décembre  1790,  Joseph-Antoine  Billet, 
maire ,  et  François  Fabre,  procureur  de  la  commune 


—    49    — 

de  la  municipalité  de  Méounes  ,  commissaires  délé- 
gués par  le  Directoire  du  district  de  Brignoles,  à  la 
réquisition  de  M.  le  procureur  syndic^  du  21  novem- 
bre dernier,  pour  ,  en  conformité  de  Tarrêté  de  l'as- 
semblée administrative  du  département  du  Var  ,  du 
14  du  dit  mois,  nous  rendre  aux  chartreux  de  Mon- 
trieux,  et  y  dresser  un  état  des  effets  mobiliers. 

«  Nous  sommes  rendus  à  la  chambre  du  R.  P.  D. 
Génot,  prieur,  que  nous  aurions  trouvé  en  compagnie 
du  R.  P.  D.  Bonaventure  Froment^  vicaire,  et  du 
R.  P.  D.  Thomas  Tracol ,  coadjuteur  ,  lesquels  nous 
ayant  déclaré  être  disposés  à  satisfaire  à  tout  [ce  qui] 
est  prescrit,  nous  aurions  procédé  à  l'inventaire  de 
tous  les  effets  mobiliers. 

«  Autour  de  l'autel,  sont  quatre  statues  grandes  , 
de  marbre,  au  pied  desquelles  est  écrit  :  La  Force  y 
V  Espérance  y  Sainte  Monique  ,  la  Provence;  au  milieu 
desquelles  se  trouve  un  buste  représentant  feu  M.  de 
Valbelle;  à  droite  et  à  gauche  de  Tautel  sont  deux 
urnes  de  marbre  jaune  (1)  ». 

(1)  Archives   départementales    du  Var,  série  H,  fonds  de  la  Chartreuse 

4 


—    50    — 

Ce  mausolée  et  tous  les  marbres  qui  existaient 
dans  la  Chartreuse  de  Montrieux,  furent  vendus  par 
la  Nation  et  acquis  ,  moyennant  12,085  francs,  par  le 
sieur  Antoine  Bonnefoy,  qui  céda  ensuite  tous  ses 
droits  au  sieur  Joseph  Guyon,  propriétaire  à  Méou- 
nes,  demeurant  à  Marseille. 

Trente  ans  après  cette  vente ,  Guyon  possédait 
encore  ces  marbres  et  en  était  fort  embarrassé,  lors- 
qu'on vint  lui  proposer  de  les  céder  à  la  «  Société 
religieuse  »  ,  qui  avait  entrepris  la  restauration  de  la 
Sainte-Baume.  Il  y  consentit ,  et  c'est  ainsi  que  les 
statues  provenant  du  mausolée  du  Comte  de  Valbelle 
reçurent  différentes  affectations.  Nous  trouvons  dans 
une  lettre  adressée  au  préfet  des  Bouches-du-Rhône 
par  M.  Chevalier ,  préfet  du  Var  ,  le  30  juillet  1822  , 
des  renseignements  précis  sur  cette  acquisition. 

«  Tous  les  marbres  et  objets  d'art,  écrivait-il ,  qui 
décoraient  l'église  et  la  chapelle  de  l'abbaye  de  Mon- 
trieux ,  se  dégradaient  sous  des  voûtes  tombant  en 
ruines ,  et  étaient  depuis  plusieurs  années  exposés  à 

de  MoDtrieux,  commune  de  M«5ûuues.  Registre,  fol.  60. 


—    51     — 

toutes  les  rigueurs  du  temps.  L'acquéreur  était  sur 
le  point  de  vendre  tous  ces  objets,  lorsqu'un  membre 
du  Conseil  général ,  M.  Raynouard  ,  à  qui  j'avais  fait 
part  du  désir  d'employer  ces  marbres  à  la  restaura- 
tion de  la  Sainte-Baume,  me  prévint  que,  si  je  voulais, 
il  terminerait  ce  marché  en  mon  nom.  Je  lui  répondis 
que  je  n^étais  point  autorisé  â  faire  cette  acquisition, 
mais  que  l'entrepreneur  des  travaux  de  la  Sainte- 
Baume  consentait  à  acheter,  pour  son  compte  ,  tous 
les  marbres  provenant  de  l'église  de  Montrieux  ». 

L'entrepreneur  avait,  en  effet,  acquis  ces  marbres, 
ainsi  qu'il  le  déclara  dans  l'acte  que  nous  transcri- 
vons ci-après  : 

«  Je  soussigné  déclare  avoir  reçu  des  fonds  appar- 
tenant à  la  caisse  de  la  Sainte-Baume  ,  la  somme  de 
4,662francs,  pour  le  montant  du  prix  des  marbres  de 
la  chapelle  de  Montrieux,  que  j'avais  achetés  du  sieur 
Guyon,  pour  le  compte  de  ladite  Sainte-Baume  ,  y 
compris  les  frais  de  démolition  elle  transport  de  ces 
mêmes  marbres  jusqu'à  Draguignan.  Dont  quittance. 
Draguignan,  18  janvier  1822.  Signé  :  Folety  ». 

Le  préfet  du  Var  acquit ,  le  lendemain  de  ce  jour , 
les  statues  comprises  dans  ce  marché  et  en  détermina 


—    52     — 

l'affectation  par  un  arrêté,  en  ddte  du  29  janvier  1822: 

«  Nous  préfet,  etc.,  considérant  que  S.  E.  le  Mi- 
nistre de  l'Intérieur  nous  a  autorisé  à  faire  l'acquisi- 
tion de  divers  objets  d'art  dont  l'inventaire  a  été 
dressé  ;  que  les  quatre  statues  qui  y  sont  comprises 
ayant  été  restaurées  d'après  mes  ordres  ,  pour  être 
envoyées  ensuite  dans  les  divers  arrondissements,  il 
convient  de  procéder  à  la  répartition. 

«  Arrêtons  ;  les  quatre  statues  dont  s'agit  sont  ré- 
parties ainsi  qu'il  suit,  savoir  : 

«  La  première,  représentant  la  Provence,  est  don- 
née à  la  ville  de  Toulon  ,  pour  être  placée  dans  le 
vestibule  de  son  hôtel. 

«  La  deuxième  ,  dite  de  la  Madeleine  ^  est  donnée 
à  l'arrondissement  de  Brignoles  ,  pour  être  placée  à 
la  Sainte-Baume  ,  commune  de  Nans. 

«  La  troisième,  dite  /« /«s//ce,  est  donnée  à  la  ville 
de  Draguignan  ,  pour  décorer  le  vestibule  du  palais 
de  justice  qu'on  y  construit  actuellement. 

«  La  quatrième,  dite  la  Vestale,  est  donnée  à  la 
ville  de  Fréjus,  pour  orner  la  fontaine  publique  qui 
doit  y  être  construite. 

«  Le  préfet  :  signé  Chevalier   ». 


—    53     — 

La  Sainte-Monique  des  chartreux  de  Montrieux  , 
transformée  en  Sainte  Marie-Madeleine ,  fut  envoyée 
à  la  Sainte-Baume.  Six  mois  après  ,  on  inaugurait , 
par  une  fête  splendide,  la  restauration  de  ce  saint  pè- 
lerinage, et  une  foule  immense  ,  venue  de  tous  les 
départements  voisins  ^  visitait  la  grotte  de  la  Made- 
leine, où  venait  d'être  érigée  la  nouvelle  statue. 

C'était  le  22  juillet  1822.  Le  lendemain,  un  reporter 
facétieux  du  Mercure  Marseillais ,  publiant  dans  ce 
journal  un  compte  rendu  des  fêtes  ,  prétendit  que  le 
pauvre  peuple  avait  été  étrangement  abusé  et  qu'on 
lui  avait  fait  vénérer  M"^  Clairon  ,  la  maîtresse  du 
Comte  de  Valbelle^  sous  l'étiquette  de  la  Madeleine 
repentante. 

Le  préfet  des  Bouches-du-Rhône  eut  le  tort  d'atta- 
cher trop  d'importance  à  cette  impertinente  boutade 
du  jeune  marseillais;  il  fit  insérer  une  rectification 
dans  le  Journal  de  Marseille,  qui  lui  était  dévoué  ,  et 
menaça  de  poursuites  l'imprimeur  du  Mercure  Mar- 
seillais, où  avait  paru  l'article  incriminé. 

Il  n'en  fallut  pas  davantage  pour  propager  la  lé- 
gende inventée  par  le  reporter  de  cette  petite  feuille 
d'annonces.  En  1828,  l'auteur  deVHermite  Toulonnais 


—    54     — 

prenant  la  Clairon  à  son  compte,  déclara  qu'elle  avait 
posé  pour  la  statue  qui  ornait  la  fontaine  de  la  rue 
des  Pucelles  (1).  (Ce  rapprochement  lui  parut  sans 
doute  des  plus  heureux). 

Un  peu  plus  tard  ,  un  romancier  rempli  d'imagina- 
tion, publia,  dans  \e  Mémorial  d'Aix  (du  1(3  avril 
1854),  un  feuilleton  des  plus  curieux  sur  le  mausolée 
du  Comte  de  Valbelle.  Il  mettait  en  scène  le  noble 
gentilhomme  provençal,  qui  s'entendait  avec  le  sculp- 
teur Houdon  ,  pour  faire  poser  successivement  M"® 
Clairon  ,  M"®  Guimard  ,  célèbre  danseuse  de  Topera , 
une  soubrette  de  la  Comédie  française  et  enfin  une 
demi-mondaine. 

Cette  fable  a  été  recueillie  par  des  écrivains  sé- 
rieux ,  qui  ont  pensé  que  l'auteur  en  avait  puisé  le 
fond  dans  une  tradition  populaire  digne  de  foi.  M. 
Rostan,  l'auteur  éruditet  consciencieux  de  V Histoire 
de  Saint-Maximin;  M.  Maquan  ,  le  spirituel  direc- 
teur du  journal  V Union  du  Var,  et  vingt  autres,  ont 


(1)  La  statue  La  Provence,  après  avoir  figuré  dans  le  vestibule  de  l'hôtel- 
de-ville  de  Toulon  ,  orna  ,  en  effet  ,  une  fontaine  de  la  rue  des  Pucelles, 
mais  elle  a  été  depuis  quelque  temps  transportée  dans  le  Musc;  municipal. 


\ 


—    55    — 

fait  mention ,  en  la  déplorant ,  de  Torigine  scanda- 
leuse de  la  statue  vénérée.  Le  père  Lacordaire 
lui-même  ,  le  grand  orateur  ,  le  savant  Dominicain  , 
s'est  laissé  entraîner  par  cette  idée  qui  Taffligeait^  et 
dans  une  admirable  brochure  sur  Sainte  Marie-Ma- 
deleine, publiée  en  1860,  il  a  cru  devoir  blâmer  la 
présence,  dans  ce  lieu  sanctifié,  d'une  pareille  statue. 

«  Des  marbres  sans  gloire ,  a-t-il  dit ,  y  forment 
la  chapelle  de  la  Sainte  ,  et  derrière  son  autel,  sur 
cette  roche  mystérieuse  où  se  passaient  ses  veilles 
et  ses  extases ,  repose  à  demi  couchée,  une  statue 
profane ,  indigne  au  premier  chef  de  la  majesté  du 
lieu  dont  elle  contriste  tous  les  souvenirs  ». 

Cette  tradition  regrettable,  qui  a  pesé  pendant  plus 
de  soixante  ans  sur  le  cœur  des  fidèles  ,  ne  tient  pas 
debout  quand  on  remonte  à  son  origine. 

Nous  venons  de  voir,  en  effet,  que  M^^®  Clairon 
était  à  Anspach  depuis  10  ans,  et  Valbelle  décédé 
depuis  cinq  ou  six  ans  ,  quand  Fossaty,  le  sculpteur 
marseillais,  mit  en  place  ,  après  l'avoir  achevé  ,  le 
mausolée  du  Comte.  Il  exécuta  ce  travail  sous  la 
surveillance  des  chartreux,  et  d'après  les  indications 
de  M"*®  la  Marquise  de  Valbelle  ,  la  plus  respectable 


—    56     — 

des  mères,  qui  avait  été  chargée,  par  son  fils,  d'ériger 
ce  monument  funéraire  dans  la  chapelle  même  où 
reposaient  ses  aïeux. 

L'histoire  est  très  simple;  elle  est  prouvée  surabon' 
damment;  la  fable  est  absurde  et  ne  repose  que  sur  la 
fantaisie  d'un  reporter  et  l'imagination  d'un  roman- 
cier ;  eh  bien  1  parions  que  la  fable  survivra  à  la  dé- 
monstration si  claire  des  événements  que  nous  venons 
de  raconter  I 

Cependant  le  Comte  de  Valbelle  était  très  aimé  à 
Tourves.  De  nombreuses  anecdotes ,  transmises  de 
père  en  fils  ,  et  dont  plusieurs  ont  été  publiées,  expli- 
quent cette  popularité  qui  a  résisté  aux  attaques  diri- 
gées contre  sa  mémoire  par  la  Clairon. 

Parmi  les  traits  de  bonté  qui  ont  acquis  au  Comte 
de  Valbelle  cette  juste  popularité  ,  il  en  est  deux  qui 
sont  caractéristiques  et  bien  dans  les  mœurs  de  cette 
époque. 

Se  promenant  un  jour  dans  ses  terres ,  le  Comte 
rencontre  un  paysan  ,  accablé  d'années,  qui  portait 
péniblement  une  charge  de  bois.  «  Mon  ami  ,  lui  dit- 
il,  laissez  là  ce  fardeau  qui  vous  écrase  ,  et  recevez 
cet  argent  pour  y  suppléer.  »  Le  pauvre  vieillard  se 


—     57    — 

confond  en  remerciements,  mais  Valbelle  l'inter- 
rompt et  ajoute  en  souriant  :  «  Vous  ne  me  devez 
rien;  c'est  moi  qui  suis  votre  débiteur  ,  puisque  je 
suis  plus  riche  que  vous  ». 

Plus  tard,  au  moment  ou  il  allaitquitter  Paris  pour 
se  rendre  à  Tourves,  le  duc  de  Villars,  qui  arrivait 
de  Provence,  lui  apprend  que  le  feu  a  pris  à  son 
château.  Valbelle  lui  demande  avec  anxiété  si  ses 
paysans  ont  été  atteints  dans  leurs  biens  ou  dans 
leurs  personnes.  «  Non,  cher  comte  «répond  le  duc, 
et  aussitôt  le  comte  de  Valbelle,  reprenant  son  beau 
sang  froid  et  sa  sérénité  ,  ajoute  :  «  Eh  bien  !  nous 
ferons  rebâtir  le  château ,  ce  sera  une  bonne  aubaine 
pour  mes  paysans  et  mes  chers  artistes  ». 

Mais  ce  qui  témoigne  plus  éloquemment  encore  des 
bons  sentiments  que  le  comte  avait  su  inspirer  au- 
tour de  lui ,  c'est  le  fait  qui  s'est  produit  à  Toccasion 
de  la  vente  de  ses  biens  pendant  la  Révolution. 

M.  Mathieu  Barbaroux  ,  notaire  et  ancien  maire, 
se  rendit  acquéreur  du  château  de  Tourves  et  des 
deux  parcs  qui  l'entouraient ,  moyennant  la  somme 
de  183,000  livres  payée  avec  des  assignats  (1). 


(1)  Acte  de  vente  du  19  prairial  an  VI  (7  juin  1798J. 


—    58    — 

La  population  ne  vit  pas  sans  regret  un  des  enfants 
du  pays  profiter  des  malheurs  du  temps,  pour  prendre 
possession  des  dépouilles  de  la  famille  du  comte  de 
Valbelle.  M"^*  et  M"«  Barbaroux  se  montrèrent  très 
sensibles  aux  allusions  qu'on  ne  leur  épargnait  pas 
sur  les  grands  biens  qu'ils  avaient  acquis  à  si  peu 
de  frais.  On  dit  même  que  M"^  Barbaroux  en  mourut 
de  chagrin.  Cependant  l'ancien  maire  conserva  les 
immeubles  qu'une  vente  régulière  lui  avait  fait  obte- 
nir, et  sa  femme  lui  succédant  n'osa  pas  s'en  des- 
saisir. Mais  ,  après  la  mort  de  M"^*  Barbaroux,  son 
frère,  M.  François  CoUin,  exécutant  sans  doute  ses 
intentions  ,  légua,  par  son  testament,  en  date  du  12 
juin  1849,  au  représentant  de  cette  famille  ,  M.  le 
comte  de  Castellane,  les  ruines  du  château  et  divers 
terrains  en  dépendant. 

Et,  par  suite  de  cette  restitution  ,  M.  d'Estourmel , 
petit  fils  par  sa  mère ,  du  comte  de  Castellane  ,  est 
encore  en  possession  des  ruines  de  ce  bel  édifice, 
qui  fut  pendant  longtemps  la  résidence  du  plus  fas- 
tueux et  du  phis  aimable  des  grands  seigneurs  de 
l'ancien  régime. 


INVENTAIRE  DES  MEUBLES 


DU 


CHATEAU  DE  TOURVES. 


Le  château  de  Tourves,  par  ses  vastes  dimensions, 
l'élégance  et  la  richesse  de  ses  installations ,  avait 
Taspect  d'une  résidence  royale  (1).  Cet  édifice  vrai- 
ment grandiose  n'occupait  pas  moins  de  2500  mètres 
de  superficie;  ses  deux  principales  façades  avaient 

(1)  €  Le  comte  de  Valbelle  ,  dit  M.  Millin  ,  n'avait  rien  épargné  pour 
embellir  ce  lieu.  Il  y  avait  rassemblé  une  riche  bibliothèque,  des  tableaux, 
des  statues  ;  la  beauté  des  arbres  ,  la  longueur  des  allées  ,  la  grandeur  du 
château,  tout  donnait  ^  cette  demeure  l'apparence  d'une  maison  royale  >. 
(Voyages  dans  les  départements  du  Midi  de  la  France.  Paris,  180S,  tome 
III,  p.  130). 


—    60    — 

54  mètres  de  longueur  sur  45.  Une  cour  intérieure,  de 
30  mètres  sur  25,  répandait  la  lumière  dans  les  ap- 
partements qui  n'étaient  pas  en  façade  (1).  Un  très 
beau  parc,  traversé  par  des  allées  artistement  décou- 
pées ,  précédait  le  château ,  et ,  dans  un  fouillis  de 
verdure ,  apparaissaient,  de  distance  en  distance ,  des 
statues  en  marbre  dont  quelques-unes  avaient  une 
réelle  valeur,  si  nous  en  jugeons  par  la  Vénus  Cal- 
lipyge  que  l'on  remarque  dans  le  jardin  public  de 
Draguignan,  et  qui  provient  des  collections  de  M.  de 
Valbelle.  Le  château  lui-même  renfermait  des  objets 
d'art  et  des  tableaux  en  grand  nombre;  les  chemi- 
nées^ en  beau  marbre  coloré  (2),  rehaussaient  l'ameu- 
blement dont  le  luxe  et  le  bon  goût  nous  sont  connus 


(1)  Nous  avons  sous  les  yeux  le  plan  du  cliâtoau,  qui  nous  a  clé  coni- 
munjiiué  ,  avec  divers  autres  documents  prrcicux,  par  M.  Revest,  institu- 
teur à  Tourves. 

(2)  «  Après   avoir  visité  Saiiil-Maxiniin  ,  nous  suivinifs  la  grande  route 

de  Draguignan.  Les  coteaux  que  l'on  a|tcrcoit  recèlent  une  grande  quantilé 
de  marbres  colorés  ;  Louis  XiV  les  trouva  si  beaux  qu'il  ordonna  de  les 
exploiter,  et  qu'on  en  transporta  un  grand  nombre  de  blocs  pour  servir  à 
l'embellissement  de  Versailles  et  de  Marly.  On  en  a  aussi  fait  usage  pour 
!a  décoration  du  château  et  des  jardins  de  Tourves.  (Milmn  Voyagra  dans 
Us  dcparmcuts  du  Midi  de  la  fiance,  tome  III,  p.  130;. 


—    61    — 

par  rinventairequi  en  fut  dressé,  en  1792,  au  moment 
de  la  prise  de  possession  du  château  par  la  Nation. 

Nous  relevons  dans  cet  inventaire  ,  que  nous  pu- 
blions ci-après  in  extenso  ^  une  quantité  de  meubles 
vraiment  considérable  :  40  couchettes  avec  leurs  bal- 
daquins et  garnitures  en  très  belle  étoffe;  25  canapés 
et  183  fauteuils ,  la  plupart  recouverts  en  tapisserie 
des  gobelins;  38  glaces  ,  14  lustres ,  12  urnes  ,  des 
tapis  magnifiques,  138  tableaux  et  près  de  1,000  vo- 
lumes, dont  un  grand  nombre  aux  armes  de  Valbelle 
et  reliés  par  Derome. 

Mathieu  Barbaroux ,  maire  de  Tourves  et  Jean- 
Henry  Sivan  ,  secrétaire  et  greffier  de  la  commune, 
agissant  en  vertu  d'un  arrêté  du  Directoire  du  district 
de  Saint-Maximin  ,  se  rendit,  le  25  mai  1792,  au  châ- 
teau de  Tourves,  possédé  à  cette  date  par  le  comte 
Alphonse  de  Gastellane;  et  ayant  appris  du  concierge 
Claude  Imbert,  que  M.  de  Gastellane  était  absent ,  ils 
procédèrent ,  en  présence  des  deux  officiers  munici- 
paux, à  la  rédaction  de  l'inventaire  du  mobilier,  dont 
nous  transcrivons  ci-après  les  principaux  articles. 

Conciergerie.  —  Un  bureau  avec  16  tiroirs,  bois  de 
noyer,  avec  ses  ferrements. 


—    62    — 

Un  râtelieripouv  tenir  les  clefs  de  la  maison. 

Deux  encoignures  en  bois  de  noyer. 

Une  table  peinte  en  vert. 

Un  miroir,  cadre  doré,  2  pans  sur  3. 

Quatorze  estampes ,  représentant  des  blasons,  une 
petite  table  ,  pieds  de  biche  ^  avec  son  tiroir  ,  une 
chaise  de  commodité. 

Salle  d'audience.  —  Un  fauteuil ,  garni  en  velours 
cramoisi. 

Huit  tabourets  garnis  en  peau. 

Un  tableau ,  cadre  doré  ,  représentant  Cosme- 
Maximilien  de  Valbelle. 

Appartement  de  la  chancellerie.  —  Tapisserie  en 

satin  cramoisi. 
Bureau  avec  ses  tiroirs,  marqueté,  de  sept  pans 

de  long  ,  écritoire  ,  sablier  et  clochette. 

Un  autre  bureau ,  pieds  de  biche  ,  marqueté ,  un 
buste  de  feu  sieur  Valbelle  dessus. 

Huit  fauteuils  peints  en  gris  ,  garnis  en  soie,  cra- 
moisi et  blanc. 

Six  grands  tableaux  ,  avec  leurs  cadres  dorés. 

Trois  chaises  garnies  de  sagne  (paille). 

Un  petit  chandelier  en  métal. 


—    63    — 

Une  commode  à  deux  tiroirs,  avec  son  dessus  de 
marbre ,  un  pot-à-eau  et  sa  cuvette. 

Deux  chenets  garnis  en  laiton. 

Une  pelle  et  une  pincette  ,  pommes  en  laiton. 

Un  miroir  de  2  pans. 

Une  couchette  peinte  en  gris  ,  quatre  matelas  ,  un 
oreiller  ,  sa  garniture  de  velours  et  satin  cramoisi. 

Deux  rideaux  de  fenêtres  blancs,  en  mousseline. 

Appartement  du  premier.  —  Tapisserie  à  grands 
personnages. 

Une  urne  et  deux  ornements  en  rats  sur  la  che- 
minée en  marbre. 

Deux  girandoles  dorées. 

Deux  chenets  surmontés  de  deux  personnages 
dorés,  pelle  et  pincettes  avec  leurs  pommes  dorées. 

Une  grande  table  peinte  en  gris  ,  avec  son  dessus 
de  marbre. 

Un  grand  cabaret  en  tôle ,  doré  et  peint,  avec  14 
tasses  à  café  en  porcelaine,  bord  doré. 

Un  tric-trac  d'ébène,  garni  en  ivoire  ,  avec  ses 
dames  vertes  et  blanches^  cornet  et  dés. 

Deux  bougeoirs,  en  métal,  pour  servir  au  tric-trac. 

Un  damier  d'ébène. 


-    64    — 

Vingt-et-un  fauteuils  peints  en  gris,  garnis  de  ve- 
lours ciselé  rouge  et  jaune,  dont  deux  à  bras. 

Une  table  couverte  de  drap  vert. 

Un  lustre  garni,  en  cuivre  doré. 

Quatre  tableaux,  dont  trois  au  dessus  des  portes 
et  un  sur  la  cheminée. 

Appartement  de  â/"^^  de  Valhelle. —  Une  commode, 
fond  noir,  dorée  et  peinte.  Dessus  de  marbre  blanc. 

Deux  perroquets  en  faïence. 

Un  personnage  nu  en  bronze,  taille  de  2  pieds  1/2. 

Trois  petits  tableaux  avec  leurs  cadres  dorés, 
dont  deux  ovales  et  un  carré,  surmonté  du  portrait  de 
M"*®  de  Sévigné,  dans  un  grand  cadre  doré. 

Une  tapisserie  de  damas  vert. 

Un  canapé  et  dix  fauteuils ,  bois  gris  sculpté  , 
garnis  d'étoffe  en  laine  fleurie. 

Deux  grands  tableaux  ovales,  cadres  dorés;  neuf 
tableaux  moyens  carrés  aussi  dorés. 

Huit  petits  tableaux  d'un  pan  ,  cadre  doré. 

Un  écran  garni  en  laine  brodée. 

Deux  grands  chenets  ,  surmontés  de  deux  sirènes, 
en  cuivre  doré. 

Deux  pincettes  et  une  pelle  ,  avec  pommes  dorées. 


—    65    — 

Deux  urnes  dorées  ,  surmontées  d'un  bouquet  de 
fleurs  artificielles. 

Deux  girandoles  en  cuivre  doré,  à  deux  branches. 

Deux  chandeliers  en  cuivre  doré. 

Deux  petits  personnages  en  bronze  noir. 

Une  glace  en  deux  pièces,  surmontée  d'un  tableau 
carré. 

Un  lit  à  baldaquin,  sa  couchette  peinte  en  gris , 
sculptée  ,  garnie  en  vert,  quatre  matelas,  des  oreil- 
lers, rideaux  de  damas  vert. 

Un  trépied  surmonté  d'un  cabaret. 

Quatre  rideaux  de  fenêtre,  taffetas  à  carreaux  verts 
et  blancs. 

Deux  dessus  de  porte  en  tableau  carré. 

Une  petite  table,  pieds  de  biche,  bois  d'acajou, 
dessus  de  marbre,  bord  de  cuivre  doré,  cuvette  et 
pot-à-eau  en  porcelaine. 

Cabinet  au  fond  de  la  Chambre  de  Af™®  de  Val- 
belle. —  Un  bureau  marqueté,  bois  d'acajou,  pieds  de 
biche,  garniture  en  cuivre  doré  avec  divers  tiroirs. 

Sept  fauteuils  à  bras,  garnis  de  laine  brodée, 
quatre  autres  fauteuils  en  soie  mordorée  ,  avec  ca- 
napé à  trois  places. 

5 


—    66    — 

Un  cabaret  à  trépied,  dessus  de  marbre  et  le  bord 
en  cuivre  doré. 

Quatre  rideaux  de  fenêtre  en  taffetas  cramoisi  , 
vert,  blanc  et  jaune,  à  grandes  raies. 

Tapisserie  ,  papier  de  chine. 

Une  table  avec  dessus  de  marbre  et  cercle  en 
cuivre  doré,  guirlandes  en  dessous. 

Un  porte-vue  de  huit  pans. 

Une  table  carrée  ,  bois  d'acajou  ,  pieds  de  biche. 

Deux  dessus  de  porte  ,  représentant  des  personna- 
ges turcs. 

Sur  la  cheminée  ,  une  dormeuse  en  marbre  blanc, 
sur  son  piédestal  noir. 

Un  miroir  en  deux  pièces  ,  de  5  pans  sur  2,  sur- 
monté d'un  tableau  ovale,  encadré  dans  le  plaire,  re- 
présentant M'»^  de  Valbelle. 

Dans  le  cabinet  attenant.  —  Un  fauteuil  en  soie 
moirée  rose,  et  deux  chaises  à  bras. 

Une  chaise  et  un  fauteuil  couverts  de  peau  jaune. 

Une  table  en  bois  blanc  ,  servant  de  toilette  et  tous 
les  accessoires. 

Une  petite  table  en  bois  d'acajou. 

Une  table  de  nuit  marquetée,  dessus  de  marbre. 


—    67    — 

Une  théière  d'airain. 

Salon  de  compagnie.  —  Un  tapis  ,  de  vingt-quatre 
pans  sur  trente-six ,  en  laine  de  plusieurs  couleurs. 

Quatre  pièces  de  tapisserie  des  Gobelins,  à  grands 
personnages. 

Deux  commodes  en  bois  d'acajou  marquetées ,  à 
trois  tiroirs,  pieds  de  biche,  garniture  en  cuivre  doré, 
dessus  de  marbre  de  couleur  et  le  bord  blanc. 

Deux  urnes  ,  aux  extrémités  dorées,  avec  chinois, 
de  trois  pans  de  hauteur. 

Une  urne  servant  à  brûler  des  parfums  sur  un  pié- 
destal de  marbre  gris ,  soutenu  par  trois  pieds  à  têtes 
de  mouton,  garniture  en  cuivre  doré. 

Une  autre  urne  en  plâtre ,  peinte  en  couleur  de 
marbre,  sur  trois  pieds  sculptés  et  dorés. 

Six  rideaux  de  fenêtre  en  taffetas  à  carreaux^ 
verts  et  blancs. 

Deux  canapés  et  quatorze  fauteuils,  étoffe  des  Go- 
belins, représentant  diverses  fables. 

Onze  fauteuils,  étoffe  des  Gobelins,  vert  et  gris,  un 
à  bras  et  deux  autres  garnis  en  velours  blanc  et 
vert,  peints  en  gris. 

Un  écran  garni  en  étoffe  de  laine. 


-    68    — 

Quatre  pincettes  et  deux  pelles  avec  leurs  pommes 
dorées. 

Deux  chenets  surmontés  de  deux  urnes  à  tète  de 
mouton,  en  cuivre  doré. 

Sur  la  cheminée,  une  statue  en  bronze,  représen- 
tant Louis  XIV  à  cheval,  piédestal  en  marbre. 

Deux  urnes  en  porcelaine  dorée  et  peinte,  sur- 
montées de  fleurs  artificielles. 

Deux  girandoles  en  cuivre  doré,  à  trois  branches. 

Deux  chandeliers  en  cuivre  doré. 

Un  miroir  en  deux  pièces,  de  douze  pans  sur  quatre. 

Deux  coussins  couverts  en  indienne. 

Un  tabouret  garni  en  soie. 

Une  pendule,  garniture  dorée,  d'un  pan  de  circon- 
férence. 

Un  lustre  à  six  branches,  garni  de  différentes  piè- 
ces en  cristal. 

Quatre  dessus  de  porte  en  médaillon. 

Appartement  de  il/"^«  d\)raison.  —  Une  couchette 
peinte  en  gris  ,  quatre  matelas  ,  deux  oreillers  ,  une 
couverture  en  indienne,  garniture  en  damas  cramoisi, 
bordée  d'un  galon  en  or  ,  avec  sa  courte-pointe. 

Quatre  fauteuils  bois  blanc,  sculptés,  garnis  en 
velours  à  grandes  raies  noires  et  rouges. 


—    69    — 

Deux  fauteuils  garnis  en  velours  cramoisi. 

Quatre  dessus  de  porte  représentant  des  fruits. 

Un  miroir,  cadre  blanc,  3  pans  sur  2. 

Un  tableau  en  glace  peint  à  la  chinoise  et  un  des- 
sus de  cheminée. 

Deux  rideaux  de  fenêtre  en  taffetas  cramoisi. 

Deux  chenets  en  laiton. 

Pelle  et  pincettes,  pommes  dorées. 

Une  table  avec  dessus  de  marbre  servant  de  bu- 
reau ,  une  cuvette  et  son  pot-à-eau. 

Un  petit  chandelier  en  laiton,  sur  la  cheminée. 

Un  petit  balai  de  crin  pour  le  feu. 

Appartement  de  M^^  Demandols .  — 

Quatre  fauteuils,  bois  sculpté^  peints  en  gris  et 
garnis  en  laine  brodée. 

Deux  fauteuils  jaune  ,  garnis  en  satin,  bois  gris. 

Une  couchette  ,  quatre  matelas  dont  deux  de  laine^ 
un  de  crin  et  un  de  plume,  deux  oreillers. 

Une  garniture  de  lit  à  baldaquin  en  satin  jaune  et 
sa  courte  pointe. 

Un  rideau  de  fenêtre ,  en  taffetas  à  carreaux , 
jaunes  et  bleux. 

Deux  tabourets  de  dix  pans  de  long  ,  garnis  en 
velours  cramoisi  et  pieds  dorés. 


—     70    — 

Un  petit  tabouret  de  trois  pans  de  long. 

Une  paire  de  chenets  garnis  en  laiton. 

Une  pelle  ,  et  des  pincettes  ,  avec  leurs  pommes 
d'or,  un  soufflet  et  un  balei  en  crin  pour  le  feu. 

Un  chandelier  de  laiton. 

Sur  la  cheminée  en  marbre  un  miroir  ,  de  3  pans 
1/2  sur  2  1/2  ,  surmonté  d'un  tableau  représentant 
M"^*  de  Demandols. 

Deux  dessus  de  porte  représentant  des  fleurs. 

Cabinet  attenant. — Six  chaises  en  agenouilloir 
peintes  en  gris,  garnies  en  velours  cramoisi ,  avec 
six  coussins. 

Un  fauteuil  rond  ,  bois  gris  ,  garni  en  peau  jaune. 

Un  matelas  en  crin ,  sur  une  couchette  en  bois 
peint  en  gris. 

Une  couverture  de  Naples  et  une  couverture  pi- 
quée. 

Une  table  à  quadrille  avec  son  dessus  de  marbre, 
gris  et  bord  noir. 

Un  tableau  ,  sans  cadre,  à  personnages. 

Un  dessus  de  porte  représentant  du  gibier. 

Un  tableau  en  carré. 

Un  rideau  blanc  bordé  d'indienne,  fond  blanc. 


—    71     — 

La  chapelle.  —  Un  tapis  en  laine  usé  (1). 

Salle  à  manger.  —  22  chaises ,  bois  blanc  sculpté^ 
garnies  de  peau  verte. 

Huit  tables  de  marbre  ,  soutenues  par  des  guirlan- 
des en  dessous. 

Un  lustre,  deux  flacons  d^étain  pour  l'eau. 

Six  tableaux  et  quatre  dessus  de  porte ,  avec  leurs 
cadres  en  plâtre. 

Quatre  rideaux  de  fenêtre,  en  laine,  à  carreaux 
verts  et  blancs. 

Une  fontaine  en  marbre  avec  sa  coquille. 

Appartement  de  M^^  de  Castellane. — Une  couchette 
bois  peint  en  gris,  quatre  matelas,  un  oreiller. 

Deux  rideaux  en  indienne,  fond  blanc. 

Six  fauteuils  sculptés ,  peints  en  gris  et  dorés , 
garnis  en  indienne. 

Un  fauteuil  bois  sculpté  ,  peint  et  doré  ,  garni  de 
damas  vert. 

Une  table  en  bois  peint  en  vert  et  doré  ,  avec  son 
dessus  de  marbre  jaunâtre. 


(1)  Voir,  dans  le  cabinet  précédent,    les  agenouilloirs.  La  chapelle  était 
fermée  et  démeublée  depuis  1790. 


—     72     — 

Une  cuvette  et  son  pot-à-eau. 

Un  chandelier  en  laiton. 

Un  rideau  de  fenêtre  blanc  garni  en  indienne. 

Un  tableau  ovale,  représentant  M'"^  de  Valbelle- 
Castellane. 

Une  couverture  d'indienne  et  une  blanche  de  Nea- 
poly. 

Un  couvre  pied  indienne  ^  doublé  en  soie. 

Pas  perdu.  —  Au  premier  pallier ,  servant  de  pas 
perdu  au  Salon  des  Rois  : 

Une  table  ,  pieds  de  biche,  avec  son  dessus  en 
marbre  veiné  couleur  de  chair. 

Deux  tableaux  encadrés  ,  représentant  la  vue  du 
château  et  de  son  parc. 

Salon  des  Bois. 

Tapisserie  papier  velouté  vert. 

Une  table,  pieds  de  biche,  sculptée  avec  son  dessus 
de  marbre  veiné  de  différentes  couleurs. 

Un  miroir  sur  la  cheminée  encadré  dans  le  plâtre, 
avec  son  cadre  doré. 

Un  lustre  en  verre. 

Six  tableaux  avec  leurs  cadres  dorés  ,  représen- 
tant des  paysages. 


—    73    — 

Six  autres  tableaux  encadrés  dans  le  plâtre,  repré- 
sentant l'un  Henri  IV,  un  autre  Louis  XIV  ,  un  autre 
Louis  XV,  et  les  trois  autres  des  Gupidons. 

Un  autre  tableau  forme  ovale ,  représentant  M"^^ 
de  Pompadour. 

Quinze  tabourets  et  quatre  fauteuils ,  le  tout  garni 
en  moquette  verte  ,  façon  de  damas. 

Deux  rideaux  de  fenêtre  en  laine,  à  carreaux  verts 
et  blancs. 

Appartement  de  Tkf"^"  de  Chavigny. —  Une  tapisse- 
rie en  laine  représentant  des  batailles. 

Table  en  bois  marqueté,  pieds  dorés,  et  ayant  au 
dessous  un  ange  aussi  doré ,  sur  laquelle  est  une 
urne  de  marbre,  couleur  de  chair. 

Une  couchette  dans  une  alcôve  tapissée  d'un  satin 
velouté  en  différentes  couleurs,  deux  rideaux,  sous 
pente  et  courte  pointe  assortis  ,  quatre  matelas  et  un 
oreiller. 

Dix  fauteuils  ,  bois  sculpté  ,  garnis  du  même  satin 
velouté. 

Deux  tabourets  garnis  en  laine  brodée. 

Une  table  à  quadrille  avec  un  damier  dessus. 

Une  chiffonnière  avec  un  dessus  en  cuivre  doré,  à 
trois  tiroirs. 


~-    74     — 

Un  trépied  ,  dessus  de  marbre  ,  servant  à  reposer 
la  lampe. 

Une  paire  de  chenets  avec  deux  Cupidons  dorés  , 
deux  pinces  et  une  pelle  avec  leurs  pommes  dorées. 

Un  soufflet  et  un  petit  balais  de  crin. 

Deux  petites  urnes  sur  la  cheminée,  avec  leurs 
bords  et  pieds  dorés. 

Deux  girandoles  dorées,  à  une  branche. 

Un  miroir  de  cinq  pans  et  demi  sur  trois  pans 
et  demi ^  surmonté  d'un  tableau,  représentant  Ga- 
brielle  de  Chavigny. 

Un  petit  tableau  représentant  un  enfant,  cadre  doré. 

Quatre  dessus  de  porte  encadrés  dans  le  plâtre. 

Deux  rideaux  de  fenêtre  en  taffetas  vert  et  blanc. 

Cabinet  attenant. —  Tapisserie  en  papier  avec  des 
chinois. 

Un  bureau  à  deux  étages  ,  bois  marqueté  ,  dessus 
en  marbre  blanc. 

Un  sopha  à  bouts  ovales  ,  bois  sculpté  ,  avec  deux 
coussins  ,  garnis  en  satin  fond  rouge. 

Quatre  fauteuils  garnis  de  même. 

Deux  encoignures  en  marbre,  avec  des  guirlandes, 
dessus  en  marbre  ,  un  petit  pot-à-eau  et  sa  cuvette  , 
en  porcelaine. 


—    75    — 

Quatre  rideaux  de  fenêtre  en  mousseline  brodée. 

Autre  cabinet  attenant, — Tapisserie  en  papier  gris. 

Une  table  servant  de  toilette  avec  sa  garniture  en 
mousseline  brodée  ,  et  la  pente  en  laine  à  carreaux. 

Deux  boites,  un  poudroir  et  un  miroir  de  toilette 
en  noir. 

Deux  rideaux  de  fenêtre  en  indienne,  fond  blanc. 

Un  fauteuil  bois  gris,  garni  de  peau  jaune. 

Deux  fauteuils  gris  en  bois  sculptés,  à  jour. 

Une  table  à  cadrette  en  bois  de  noyer. 

Un  pot-â-eau  et  sa  cuvette. 

Un  tambour  avec  papier  bleu  et  blanc. 

Appartement  de  Af™«  de  Simiane.—lJnG  table,  bois 
sculpté,  pieds  de  biche,  dessus  de  n^rbre  veiné. 

Trois  fauteuils  ,  bois  jaune  sculpté  ,  dont  deux 
garnis  en  laine  brodée,  façon  des  Gobelins^  et  l'autre 
velours  gris  brodé. 

Un  tableau  avec  divers  personnages  en  noir. 

Cabinet  attenant.  — Couchette,  quatre  matelas, 
deux  oreillers  ,  deux  rideaux  blanc  en  mousseline, 
deux  pentes  en  indienne,  fond  blanc,  ciel  de  lit  à  bal- 
daquin et  chevet. 

Six  fauteuils  sculptés  ,  peints  en  gris  à  jour  ,  avec 
coussins  garnis  en  indienne^  à  fond  blanc. 


—    76    — 

Table  en  demi-lune,  avec  marbre^  et  guirlandes  par 
dessous. 

Pot-à-eau  et  cuvette  à  fleurs. 

Deux  chandeliers  en  métal. 

Une  glace  à  deux  pièces,  6  pans  1/2  sur  3,  surmon- 
tée d'un  tableau  représentant  il/ar^Meri7ec?e  Valbelle. 

Appartemeni  de  M^^  de  Brancas.  —  Couchette  , 
quatre  matelas^  deux  oreillers,  alcôve,  deux  rideaux, 
sous  pente  gros  de  Tours,  broché  fond  blanc,  ayant 
au  fond  un  tableau  avec  verre^  cadre  doré,  représen- 
tant Sainte-Geneviève. 

Six  fauteuils  ,  peints  en  vert_,  sculptés  ,  garnis  en 
velours,  couleur  de  chair. 

Deux  rideaux  dl  fenêtre  en  taffetas. 

Trois  grands  fauteuils  ,  l'un  garni  en  velours  cou- 
leur de  chair,  et  les  autres  en  étoffe  des  Gobelins. 

Une  commode  marquetée,  à  dix  petits  tiroirs,  avec 
garniture  en  cuivre  doré  ,  dessus  de  marbre  gris 
veiné. 

Table  de  nuit  en  bois  d'érable,  dessus  de  marbre. 

Deux  gros  chenets  à  quatre  pieds  ,  pommes  en 
forme  d'urnes,  laiton  doré. 

Deux  pincettes,  pelle  avec  leurs  pommes  dorées. 


—    77    — 

Deux  petites  urnes  dorées,  ayant  un  cercle  ovale  en 
vert ,  sur  la  cheminée  de  marbre. 

Deux  petits  chandeliers  en  métal. 

Un  buste  d'enfant,  en  marbre  blanc,  et  son  piédes- 
tal noir. 

Un  miroir  de  six  pans  sur  trois^  surmonté  d'un  ta- 
bleau ,  représentant  Gabrielle  de  Brancas  ,  avec  son 
cadre  en  plâtre  doré. 

Tapisserie  encadrée  dans  le  plâtre,  sur  toile  à 
rhuile,  fond  gris. 

Appartement  de  M^^  de  Fahri.  —  Six  fauteuils  pe- 
tits, jaunes,  sculptés,  garnis  en  étoffe  des  Gobelins. 

Un  fauteuil  grand  en  rond  ,  garni  en  laine  brodée. 

Couchette,  quatre  matelas,  deux  oreillers  ,  alcôve 
et  deux  rideaux  de  satin  vert ,  avec  rayures  et  fleurs 
à  fond  blanc. 

Un  écran  peint  en  petit  jaune ,  garni  de  laine 
brodée. 

Deux  chenets  à  quatre  pieds,  avec  deux  chiens  de 
laiton. 

Commode  marquetée,  à  dix  petits  tiroirs,  ses  bou- 
tons en  laiton  ,  dessus  de  marbre. 

Cheminée  en  marbre,  et  deux  petits  chandeliers  en 
métal. 


—    78    — 

Miroir  en  deux  pièces ,  de  cinq  pans  sur  deux  et 
demi  surmonté  d'un  tableau  représentant  Susanne  de 
Fabri. 

Deux  girandoles  dorées ,  à  deux  branches,  un  bu- 
reau marqueté  ,  pieds  de  biche  ,  garni  en  laiton. 

Petit  miroir  avec  son  cadre  doré,  d'un  pan  sur 
trois  quarts. 

Chiffonnière  dorée,  rouge,  en  fleurs. 

Cinq  petits  tableaux  encadrés  dans  le  plâtre,  re- 
présentant des  jeunes  demoiselles. 

Deux  rideaux  de  fenêtres  en  taffetas  ,  rayé  vert , 
cramoisi  et  jaune. 

Appartement  de  la  poudrière.  —  Deux  têtes  à  per- 
ruque. 

Quatre  petites  glaces  de  deux  pans  1/2  sur  un  pan 
3/4,  avec  tablette  en  marbre,  chacune,  par  dessous  et 
deux  autres  tables  en  marbre  un  peu  plus  grandes. 

Deux  fontaines  en  plomb  et  cuvette. 

Huit  petites  pièces,  dites  de  Loge,  pour  le  service, 
meubles  ordinaires. 

Appartement  de  M^^^*  de  Vintimille. — Tapisserie 
des  Gobelins  ,  à  grands  personnages. 

Lit  à  la  duchesse,  avec  sa  couchette  ,  quatre  mate- 


—    79    — 

las,  un  oreiller  ,  rideaux  verts  en  laine  ,  ciel  de  lit  et 
parement  des  Gobelins,  doublés  de  satin  vert. 

Huit  fauteuils ,  bras  et  pieds  dorés ,  garnis  de 
satin  vert  broché  ,  et  un  autre  rouge ,  brodé  en  or  , 
pieds  et  bras  aussi  dorés. 

Commode  faisant  le  demi  rond,  marquetée,  garnie 
en  or ,  pieds  dorés,  dessus  de  marbre  blanc  ,  pot-à- 
eau  et  cuvette  en  porcelaine. 

Bureau  à  deux  étages ,  bois  d'acajou ,  pieds  de 
biche,  garniture  dorée. 

Deux  chenets  avec  deux  petites  urnes  et  deux  cu- 
pidons,  cuivre  doré. 

Pincettes,  pelles,  pommes  dorées,  soufflet  et  balai. 

Miroir,  sur  la  cheminée  en  marbre,  de  cinq  pans 
sur  deux  et  demi ,  surmonté  d'un  tableau  carré  ,  re- 
présentant un  paysage  et  deux  personnages. 

Deux  girandoles  ,  cuivre  doré  ,  à  deux  branches. 

Deux  chandeliers  en  métal. 

Trois  dessus  de  porte  ovales  et  un  tableau  repré- 
sentant Anne  de  Vintimille. 

Deux  rideaux  en  taffetas  blanc  et  vert. 

Appartement  de  M"^«  de  Cabre.  —  Tapisserie  en 
papier  chinois. 


—    80    — 

Lit  à  baldaquin  ,  sa  couchette  ,  quatre  matelas  , 
rideaux  de  damas  vert  et  blanc. 

Six  fauteuils,  lilas  pâle,  sculptés^  garnis  de  damas 
vert  et  blanc. 

Un  autre  fauteuil  garni  en  laine  brodé. 

Commode  à  deux  tiroirs,  en  bois  d'acajou  ,  mar- 
queté ,  avec  sa  garniture  en  cuivre  doré,  pieds  de 
biche,  dessus  de  marbre  blanc,  pot-à-eau,  cuvette 
en  porcelaine. 

Table  ovale  ,  servant  de  bureau ,  cercle  doré,  des- 
sus de  marbre. 

Deux  chenets  avec  leurs  pommes  de  laiton,  pelle  et 
pincettes,  soufflet,  petit  balai  en  crin. 

Miroir,  au  dessus  de  la  cheminée  en  marbre,  de 
quatre  pans  sur  deux  ,  surmonté  d'un  tableau  ovale  , 
représentant  Aimare  de  Cabre. 

Deux  bouquets  artificiels  servant  de  girandole. 

Deux  chandeliers  en  métal. 

Deux  rideaux  en  taffetas  bleu  et  blanc,  à  carreaux. 

Appartement  de  il/"^®  Doria.  —  Tapisserie  de  da- 
mas bleu  et  gris,  lit  à  baldaquin,  couchette,  quatre 
matelas,  oreiller,  deux  rideaux  gros  de  Naples  à 
carreaux  ,  bleu  et  blanc. 


I 


—    81     — 

Six  fauteuils  gris  ,  sculptés,  garnis  en  damas  bleu 
et  gris. 

Un  fauteuil  en  velours  de  soie  bleu  et  moucheté. 

Une  chiffonnière  servant  de  bureau,  marquetée , 
avec  les  cercles  dorés  ,  ainsi  que  les  pieds,  et  dessus 
de  marbre. 

Table  en  noir,  dessus  de  marbre  ,  pot-à-eau  et  cu- 
vette. 

Deux  chenets  à  quatre  pieds  avec  deux  urnes 
dorées. 

Pincettes  et  pelles  ,  avec  pommes  dorées ,  soufflet 
et  petit  balais. 

Cheminée  en  marbre  ,  miroir  par  dessus  ,  de  cinq 
pans  sur  deux,  surmonté  d'un  tableau  ovale  repré- 
sentant Marguerite  Doria. 

Deux  dessus  de  porte  représentant  divers  person- 
nages. 

Appartement  de  M^^  de  Galléan.—L'û  à  baldaquin, 
sa  couchette  sculptée ,  quatre  matelas,  rideaux  verts 
en  taffetas  et  gros  de  Tours  ,  brochés  rose  et  argent. 

Huit  fauteuils  peints  en  vert  et  gris ,  sculptés  , 
garnis  en  laine  brodée. 

Bergère  garnie  en  laine  brodée. 

6 


—    82    — 

Table  peinte  en  vert  et  gris  ,  bois  sculpté,  trophée 
de  musique  au  bas  ,  dessus  de  marbre  avec  le  bord 
blanc ^  son  pot-à-eau  et  cuvette  en  porcelaine,  cra- 
moisi et  vert. 

Table  en  bois  noir,  dessus  de  marbre. 

Deux  chenets ,  deux  urnes  argentées ,  deux  pin- 
cettes et  pelles  avec  pommes  argentées ,  soufflet  et 
balais. 

Cheminée  en  marbre  ,  par  dessus  un  miroir  de  six 
pans  sur  deux ,  surmonté  d'un  tableau  ovale  repré- 
sentant Anne  de  Galléan. 

Appartement  de  M.  de  Sainte-Tulle.  —  Tapisserie 
en  laine,  à  grands  personnages. 

Deux  portières  marquetées  vertes. 

Un  canapé  à  quatre  places  gris  ,  bois  sculpté  , 
garni  de  laine  brodée. 

Quatorze  fauteuils  garnis  en  moquette  verte. 

Deux  tables,  pieds  de  biche  ,  bois  sculpté,  servant 
de  bibliothèques  ,  ayant  quinze  gros  volumes  cha- 
cune ,  y  compris  VEnci/clopédie  ,  dessus  en  marbre 
veiné,  couleur  de  chair. 

Quatre  flambeaux. 

Une  table  à  jeu  de  quilles,  bois  rouge. 


—    83    — 

Un  baromètre  et  un  thermomètre  ,  un  réverbère. 

Deux  rideaux  en  taffetas  vert. 

Deux  chenets ,  avec  une  figure  ,  représentant  une 
femme  et  un  homme  en  bronze. 

Un  buste  en  plâtre ,  du  Maréchal  de  Saxe  ,  sur  la 
cheminée  de  marbre ,  soutenue  par  quatre  colonnes. 

Trois  tableaux  représentant  des  paysages,  avec 
cadres  dorés. 

Un  autre  tableau  représentant  un  sacrifice ,  cadre 
doré. 

Trois  dessus  de  porte  représentant  des  enfants. 

Appartement  attenant  à  celui  de  M.  de  Sainte- Tulle, 
vis-à-vis  la  galerie.  —  Un  lit  à  baldaquin,  couchette 
bleue  ,  rideaux  de  damas  tissu  cramoisi  et  blanc , 
grands  dessins  ,  et  sa  courte  pointe,  quatre  matelas, 
deux  oreillers  avec  deuxvisières  ,  sur  le  ciel  de  lit, 
dorées. 

Tapisserie,  mêmes  nuances  que  le  lit. 

Seize  fauteuils  ,  bois  bleu  sculpté  ,  garnis  d'étoffe 
des  Gobelins  en  soie,  dorés. 

Une  commode  marquetée  en  fleurs  avec  garniture 
dorée  ,  pieds  de  biche  dorés  sur  cuivre  ,  dessus  de 
marbre  veiné  gris. 


—    84    — 

Ecran  bleu  et  blanc  sculpté ,  garni  d'étoffe  des 
Gobelins  en  soie,  avec  deux  médaillons  y  ayant  deux 
tourterelles. 

Un  bureau  à  trois  étages,  bois  d'acajou  marqueté  , 
avec  dessus  en  marbre. 

Deux  gros  chenets  avec  des  lions  dorés  ,  pelles  et 
pincettes,  pommes  dorées,  soufflet  et  balais. 

Deux  piédestaux  portant^  chacun,  le  buste  d'un 
enfant. 

Une  glace  en  deux  pièces ,  sur  la  cheminée  de 
marbre,  celle  de  dessus  en  demi  rond  de  huit  pans 
sur  quatre ,  avec  cadre  et  couronnement  surmonté 
d'un  tableau  ovale^  représentant  Gosme-Maximilien- 
Louis  de  Valbelle. 

Un  tableau  avec  son  cadre  ovale,  représentant  M. 
de  Choiseul. 

Quatre  dessus  de  porte  avec  cadres  dorés,  repré- 
sentant les  quatre  Saisons. 

Deux  tables,  dessus  de  marbre,  couleur  de  chair, 
avec  des  guirlandes  par  dessous  en  bois. 

Deux  girandoles  dorées  à  trois  branches. 

Deux  flambeaux. 

Cabinet  attenant,  où  se  trouve  le  linge  de  la  maison, 
comprenant  : 


—    85    — 

Cent  douzaines  de  serviettes  de  différents  dessins. 

Deux  cents  draps  de  lit. 

Vingt  douzaines  de  nappes. 

Trente  douzaines  de  torchons ,  trente  douzaines  de 
tabliers  de  cuisine. 

Plusieurs  tables  sur  lesquelles  le  linge  est  déposé. 

Vingt-cinq  tableaux  avec  leurs  cadres  dorés  ,  re- 
présentant la  famille  «  et  des  amis  d'icelle  ». 

Deux  petits  tableaux  ,  cadre  doré  en  rond  ,  quatre 
rideaux  de  fenêtres  en  taffetas  vert. 

Onze  cases,  dont  neuf  remplies  de  livres  et  les  au- 
tres deux  de  divers  instruments. 

Appartement  de  domestique ,  attenant  au  cabinet  ci- 
devant. 

Lit  à  baldaquin ,  un  pliant,  paillasse,  matelas, 
oreiller,  rideaux  jaunes. 

Un  placard  en  trois  parties,  dans  l'une  desquelles 
sont  des  couvertures  et  les  autres  des  couvertures 
d'été  et  les  Ornements  de  la  chapelle. 

Une  petite  table  en  bois  blanc  avec  sa  toile  cirée, 
deux  chaises,  un  bougeoir  de  laiton. 

Appartement  de  la  galeine.  —  Buste  de  Michel 
Nostradamus  ,  sur  la  fenêtre,  au  fond. 


—    86    — 

Deux  rideaux  à  chacune  des  six  fenêtres,  taffetas 
jaune,  citron  et  blanc,  à  carreaux. 

Deux  portes,  ayant  six  glaces  chacune. 

Deux  tables  à  quadrille  ,  pieds  de  biche  ,  en  bois  de 
noyer,  couverture  verte  en  drap. 

Une  autre  table  à  triangle  couverte  de  drap  vert. 

Une  autre  à  «  cizagonne  »,  garnie  de  velours  vert 
rayé  ,  ayant  un  trou  au  milieu  pour  jeu. 

Une  autre  de  six  pans  sur  trois  ,  couverte  de  drap 
vert. 

Une  autre  ,  même  longueur  et  largeur  ,  pieds  de 
biche. 

Trois  autres  grandes  tables  ,  le  dessus  de  celle  du 
milieu  en  marbre  fleuri  avec  un  médaillon  au  milieu, 
et  les  deux  autres  en  marbre  uni  bleu,  veiné  ,  ayant 
chacune  des  trophées  à  carquois.  Sur  deux  de  ces 
tables  sont  deux  urnes  en  porcelaine  de  la  hauteur  de 
sept  pans,  avec  leurs  garnitures  enguirlandées  ,  do- 
rées, terminées  par  une  pomme  de  pin  aussi  dorée  (1); 
sur  la  table  du  milieu  est  une  pendule  sur  son  pié- 
destal ,  de  la  hauteur  de  deux  pans,  avec  deux  chan- 

(1)  Ces  deux  grandes  urnes  jont  actuellement  au  Musée  de  Draguignan. 


1 


—     87     — 

deliers  à  quatre  girandoles  aussi  de  deux  pans  de 
hauteur  ,  le  tout  doré. 

Une  table  ronde,  bois  de  noyer,  servant  à  jouer  avec 
une  boule. 

Un  grand  cabaret ,  servant  pour  les  tasses  ,  sur 
son  piédestal  de  quatre  pans  de  haut ,  bois  d'acajou. 

Deux  petits  cabarets  sur  leurs  piédestaux  ,  ayant 
leurs  ronds  ou  cercles  dorés,  le  dessus  de  marbre. 

Un  pupitre  ,  en  bois  d'acajou. 

Un  dévidoir,  en  bois  d'acajou. 

Un  métier  à  broder,  bois  rouge  doré. 

Deux  grands  canapés  ,  de  dix  pans  de  long,  avec 
quatre  coussins  chacun  ,  le  tout  garni  en  peau  jaune. 

Vingt-deux  petites  chaises,  garnies  en  peau  jaune. 

Quatre  tabourets,  garnis  en  peau  jaune. 

Dix-huit  fauteuils  à  bras  ,  avec  leurs  dossiers,  le 
tout  garni  en  peau  jaune. 

Six  lustres  à  cinq  faces  ,  ayant  chacun  un  lampion 
à  trois  branches. 

Un  jeu  de  l'oie  et  un  jeu  de  balle,  bois  d'acajou,  de 
deux  pans  sur  un  pan  et  quart. 

Une  statue  marbre  blanc,  de  trois  pans  et  demi  de 
hauteur  ,  représentant  une  femme  nue  ,  sur  son  pié- 
destal en  bois  de  noyer. 


—    88    — 

Vingt-quatre  grands  tableaux  encadrés  dans  le 
plâtre,  à  grands  personnages,  représentant  des  mem- 
bres delà  famille  de  Valbelle. 

Sept  tableaux  aussi  encadrés  dans  le  plâtre,  re- 
présentant des  blasons. 

Quatre  autres  tableaux  de  sept  pans  sur  cinq,  re- 
présentant divers  combats,  tant  de  terre  que  de  mer. 

Un  autre  représentant  le  plan  de  l'hôpital  de  Saint- 
Omer. 

Un  buste  sur  la  porte  d'entrée. 

En  entrant,  de  chaque  côté,  est  une  étagère  en 
bois  ,  remplie  de  gros  volumes ,  à  droite  ,  au  nombre 
de  dix-neuf  et  à  gauche  ,  de  quatorze. 

Sur  la  table  de  marbre  des  dites  étagères,  sont 
des  personnages  représentant  des  «  dieux  marins  », 
sur  des  piédestaux  en  cuivre  doré. 

Une  petite  chaise  servant  d'agenouilloir ,  garnie  en 
moquette  bleue  et  blanche. 

Un  tabouret  à  trois  places,  moquette  verte. 

Appartement  de  la  reine  Jeanne,  au  troisième  étage. 
—  Tapisserie  en  indienne  ,  fond  blanc  ,  ramage  bleu 
et  rouge,  avec  des  oiseaux. 

Deux  rideaux  en  taffetas  cramoisi. 


—    89    — 

Un  lit ,  sa  couchette ,  peinte  en  gris  ,  quatre  mate- 
las ,  un  oreiller,  deux  rideaux  blancs  de  mousseline, 
garnis  d'indienne,  assortissant  la  tapisserie. 

Six  chaises,  garnies  d'indienne  avec  leurs  dossiers. 

Cinq  fauteuils  à  bras  ,  dont  deux  garnis  d'indienne 
égale  à  celle  des  chaises ,  deux  garnis  avec  leurs 
coussins  mouvants  ,  par  dessus  en  laine  brodée  et 
l'autre  garni  en  étoffe  verte  petits  grains  ,  bois  doré, 
coussin  mouvant,  ponceau  ,  brodé  en  or. 

Une  bergère,  garnie  en  indienne,  rayée  fond  blanc, 
en  bois  gris  sculpté. 

Chenets  en  fer  avec  leurs  pommes. 

Une  glace,  sur  la  cheminée  de  marbre,  de  trois  pans 
sur  deux  ,  surmontée  d'uu  tableau  ovale,  représen- 
tant la  reine  Jeanne  encadrée  dans  le  plâtre. 

Deux  girandoles  ,  avec  une  urne  au  milieu  à  deux 
branches,  en  cuivre  doré. 

Deux  petits  chandeliers  en  métal. 

Une  commode  garnie  ,  dorée ,  fond  noir  à  bombe- 
ment, pieds  de  biche  ,  cuivre  doré  avec  des  chinois 
peints  au  bombement ,  dessus  de  marbre  blanc  ,  pot- 
à-eau  et  cuvette  en  porcelaine  bleue  et  blanche. 

Chiffonnière  en  bois  d'acajou,  pieds  de  biche^  mar- 


—    90    — 

quetée,  dessus  de  marbre  blanc  ,  cercle  et  garniture 
en  cuivre  doré. 

Trois  dessus  de  porte^  peints  en  camaïeu. 

Appartement  de  Henri  IV. —  Lit,  couchette,  quatre 
matelas,  garniture  de  lit  filoselle  jaune,  un  tableau 
cadre  doré,  avec  son  oreiller,  deux  chenets. 

Une  glace  sur  la  cheminée  de  marbre,  de  trois  pans 
sur  quatre  ,  surmontée  d'un  tableau  représentant 
Henri  IV,  avec  cadre  doré. 

Une  table  ,  dessus  de  marbre,  pot-à-eau  en  porce- 
laine rose  et  blanche. 

Quatre  chaises  à  bras  .,  bois  sculpté  ,  garnies  de 
damas  jaune. 

Deux  autres  chaises  couvertes  en  jaune. 

Un  fauteuil  en  damas  jaune. 

Cinq  petits  médaillons,  dessus  de  porte  de  un  pan, 
des  rideaux  en  mousseline. 

Trois  cabinets,  et  dans  l'un  un  tableau  représen- 
tant Gabrielle  d'Estrées. 

Appartement  de  M'"°  dWrzaqui.  —  Un  lit  à  la  du- 
chesse, trois  matelas^  un  oreiller,  rideaux  en  in- 
dienne rougeàtre,  tapisserie  de  même. 

Glace  ,  commode  ,  table  ,  deux  grands  fauteuils  , 
quatre  chaises,  deux  rideaux. 


—    91    — 

Appartement  de  M™«  de  Candolle.  —  Un  lit  à  bal- 
daquin^ couchette^  quatre  matelas  ,  oreiller ,  rideaux 
d'indienne  à  flamme. 

Une  glace  sur  la  cheminée  ^  trois  fauteuils  ,  deux 
chaises^  commode. 

Un  ex  veto  à  l'image  de  la  S*^-Vierge, 

Appartement  de  M""^  Hue.  —  Mobilier  relativement 
modeste. 

Deux  cabinets. 

Appartement  de  ikf^^»  Renaud.  --  Mobilier  égale- 
ment modeste. 

Deux  cabinets. 

Gela  fait ,  nous  serions  transportés  dans  la  pyra- 
mide,  située  dans  le  grand  parc^  et  y  aurions  trouvé: 

Une  momie,  marbre  blanc  (sic),  sur  piédestal  noir. 

Laiterie. —  Six  tables  en  marbre  blanc  le  long  des 
murs,  six  chaises. 

Une  urne  en  marbre  ,  couleur  de  chair ,  son  pié- 
destal en  pierre  froide. 

Deux  trophées  de  guerre  ,  en  pierre  brute. 

Trois  vases  de  faïence  pour  le  lait. 

Deux  encoignures  ,  dessus  de  marbre  blanc 

N'ayant  plus  rien  à  inventorier  et  pourvoyant  à  la 


—    92    — 

sûreté  et  séquestration  des  meubles  et  effets  dudit 
sieur  de  Gastellane,  nous  avons  fait  appeler  le  sieur 
Louis-Thomas  Sivan,  son  fermier  général  des  terres 
et  droits  de  Tourves ,  et  l'avons  interpellé  s'il  con- 
sentait à  se  charger  de  tous  les  dits  meubles.  Il  a 
déclaré  se  rapporter  à  l'inventaire  ,  après  lecture^  et 
l'avons  constitué  séquestre. 

Et  de  son  consentement,  toutes  les  clefs  de  la  dite 
maison  et  dépendances  ont  été  laissées  au  pouvoir 
de  Claude  Imbert,  concierge. 

L'inventaire  des  meubles  du  château ,  commencé 
le  25  mai  1792,  était  terminé  le  6  juin.  La  mise  en 
vente  aux  enchères  publiques  de  ce  beau  mobilier , 
qui  eut  lieu  l'année  suivante  ,  dura  plus  d'un  mois , 
du  14  avril  au  18  mai  1793;  elle  produisit  76,764 
livres.  Ce  chiffre  paraît  bien  minime  si  on  considère 
les  sommes  considérables  que  les  Valbelle  avaient 
consacrées  à  l'ameublement  de  leur  immense  châ- 
teau, ne  comprenant  pas  moins  de  cinquante  pièces. 
Il  est  vrai  que  les  tableaux  de  prix  et  les  objets  d'art 
ne  furent  pas  mis  en  vente;  les  commissaires  délé- 
gués   les  expédièrent  à  Saint-Maximin  ,  où  siégeait 


—    93    — 

le  Directoire  du  district.  Plus  tard,  on  en  fit  la  dis- 
tribution entre  les  musées  du  département;  celui  de 
Draguignan  reçut  en  partage  quelques  tableaux  (1), 
deux  beaux  bronzes  et  quatre  urnes  en  porcelaine 
de  Chine  d'un  grand  prix  (2). 

Les  meubles  mis  en  vente  furent  presque  tous 
achetés  par  les  habitants  de  Tourves;  a  peine  vit-on 
quelques  étrangers,  venus  de  Marseille,  de  Brignoles 
ou  de  Saint-Maximin,  en  acquérir  un  certain  nombre. 

Un  marchand  marseillais,  nommé  Villard,  acquit , 
au  prix  de  1,700  livres,  une  couchette  avec  sa  garni- 
ture en  damas  cramoisi,  et  poussa  jusqu'à  700  livres 
une  pendule  «  d'un  pan  de  circonférence».  M.  Sama- 
tan  eut,  pour  i,000  livres^  un  magnifique  bureau  en 
bois  d'acajou  marqueté;  mais  Louis  Castellan  ^  de 
Tourves,  ne  se  laissa  pas  enlever  les  superbes  tentu- 


(1)  Parmi  ces  tableaux  figure  le  portrait  de  Suzanne  de  Fabri,  comtesse 
de  Valbelîe ,  dont  il  a  été  question  dans  le  cours  de  cette  étude  (page  14); 
charmante  petite  toile  attribuée  à  Mignard. 

(2)  Ces  urnes  ont  été  l'objet  des  sollicitations  de  divers  antiquaires;  l'un 
d'eux  en  offrit  100,000  francs  ;  mais  il  comprenait  ,  dans  ce  riche  lot  , 
l'armure  du  XVI*  siècle  ,  qui  a  une  très  grande  valeur  et  qui  provient  du 
château  de  Vintimille  du  Luc. 


—    94    — 

res  des  Gobelins  qu'il  eut  au  prix  de  2,015  livres  ;  il 
eut  également  une  pendule  dorée  «  de  trois  quart  de 
pan  de  circonférence  »,  à  325  livres.  Probace  Biscarre 
paya  600  livres  une  autre  belle  pendule,  montée  sur 
un  piédestal  de  deux  pans  de  hauteur.  Lieutaud , 
d'Ollioules  ,  se  fit  adjuger  ,  moyennant  1,055  livres, 
une  couchette  richement  garnie,  et  Gasq  (Emmanuel) 
de  Marseille  ,  acquit ,  moyennant  605  livres,  le  tapis 
de  pied,  de  trente-six  pans  sur  vingt-quatre,  que  nous 
avons  remarqué  dans  le  salon  de  compagnie  (1). 

Tous  les  autres  meubles  restèrent  aux  habitants 
de  Tourves  ,  qui  en  encombrèrent  leurs  maisons  et 
leurs  bastides.  On  ne  comprendrait  pas  les  sacrifices 
qu'ils  s'imposèrent  à  cette  occasion  ,  si  on  oubliait 
que  les  assignats  ,  devenus  la  monnaie  courante  , 
perdaient  déjà  le  50  %  et  qu'il  était  avantageux,  dans 
ces  circonstances  ,  de  les  échanger  contre  des  objets 
d'une  réelle  valeur. 

Parmi  les  plus  ardents  acquéreurs,  je  citerai  Louis 
Sivan ,  qui  employa  une  forte  somme  à  de  nombreux 
achats,  n'hésitant  pas  à  se  charger  de  plus  de  meu- 

(3)  Voir  ci-dessus,  page  9. 


—    95    — 

blés  qu'il  n'en  faudrait  pour  garnir  un  hôtel  :  quatre 
commodes  ,  quatre  canapés  ,  quinze  fauteuils  ,  trois 
couchettes,  sept  matelas  dont  trois  en  plumes  ,  qua- 
torze rideaux,  douze  chenets,  et  divers  autres  objets, 
moyennant  la  somme  totale  de  5,561  livres. 

François  Sivan  acheta  une  belle  commode  ,  fond 
noir,  dorée  et  ornée  de  peintures  ,  au  prix  de  670 
livres ,  et  un  bureau  d^acajou  ,  à  deux  étages^  avec 
des  ornements  en  cuivre  doré.  Victor  Sivan,  plus  mo- 
deste, acheta  un  prie-Dieu  avec  coussins  en  velours 
cramoisi ,  moyennant  quatorze  livres.  Chrétienne 
Sivan  eut  douze  serviettea  et  une  nappe  pour  76  li- 
vres ,  et  une  commode  marquetée  à  dix  tiroirs  ,  pour 
150  livres.  Louis-Augustin  Sivan  acheta  six  fauteuils, 
une  couchette  garnie  en  satin  vert  et  un  grand  fau- 
teuil ,  au  prix  totdl  de  530  livres.  Madeleine  Sivan 
paya  200  livres  une  tapisserie  en  indienne ,  fond 
blanc,  avec  des  bouquets  bleus  ,  et  deux  rideaux  de 
fenêtre  assortis. 

Antoine  Laugier  acquit,  moyennant  379  livres,  deux 
bureaux,  dont  un  est  devenu  la  propriété  de  M.Chail- 
lan,  propriétaire  à  Draguignan.  Ce  meuble  est  re- 
marquable par  la  parfaite  conservation  du  blason  des 


-    96    — 

Valbelle,  incrusté  en  marqueterie  sur  la  partie  exté- 
rieure de  la  tablette  ,  ou  «  abattant  »_,  qui ,  en  s'ou- 
vrant,  découvre  trois  rangées  de  tiroirs  superposés. 

Marie  Banon,  de  Tourves,  obtint,  dans  cette  adju- 
dication ^  si  disputée,  un  très  beau  lit  ainsi  décrit  : 
«  Couchette  et  tapisserie  d'alcove,  avec  garniture  de 
lit  et  courte  pointe  en  satin  velouté  en  différentes  cou- 
leurs. »  Elle  resta  maîtresse  de  l'enchère  moyennant 
la  somme  de  mille  quinze  livres. 

Nous  n*en  finirions  pas  si  nous  voulions  énumérer 
tous  les  meubles  qui  sortirent  de  ce  vaste  et  somp- 
tueux château,  pour  aller  s'empiler  dans  les  plus  mo- 
destes demeures  de  Tourves;  beaucoup  d'entre  eux 
sont  encore  possédés  par  les  descendants  des  acqué- 
reurs, mais  un  plus  grand  nombre  a  été  acheté  par 
les  antiquaires  de  Marseille  et  de  Toulon. 

Quand  les  derniers  meubles  eurent  été  enlevés  ,  il 
ne  resta  en  place  que  les  cheminées  en  très  beau 
marbre  et  quelques  ornements  adhérents  aux  murs. 
La  population  voyant  cet  immense  bâtiment  aban- 
donné ,  se  crut  autorisée  à  le  détériorer,  sous  le  pré- 
texte d'effacer  tous  les  vestiges  de  la  féodalité  ;  les 


I 


-    97    — 

armoiries  furent  effacées  ou  brisées  (1).  Les  mar- 
bres des  cheminées  richement  sculptés  parurent  de 
bonne  prise  ;  l'administration  municipale  dut  inter- 
venir pour  en  empêcher  le  pillage  (2). 

De  son  côté ,  l'administration  militaire  ayant  be- 
soin ,  pour  ses  ateliers  d'armes  ,  de  certains  maté- 
riaux ,  eut  la  singulière  pensée  de  faire  main  basse 
sur  les  ferrements  du  château.  Le  8  octobre  1793,  les 
administrateurs  du  district ,  écrivaient  aux  officiers 
municipaux  de  la  commune  de  Tourves  :  «Nous  vous 
avons  chargé  de  faire  enlever  tous  les  fers  du  parc, 
des  portes  du  parc  et  du  jardin  du  ci-devant  château, 
de  même  que  le  plomb  qui  est  sur  la  chapelle  et  sur 
l'horloge  ;  nous  comptons  sur  votre  zèle  pour  nous 
les  adresser  (3).  » 

Vers  le  20  novembre  de  cette  même  année ,  une 


(1)  Une  loi,  du  14  ventôse  an  II  (4mars  1794),  devait  plus  tard  légitimer 
ces  dévastations,  en  ordonnant  la  suppression  de  tous  les   signes  féodaux. 

(2)  La  vente  des  cheminées  fut  ordonnée  plus  tard,  mais  déjà  on  en  avait 
enlevé  un  grand  nombre. 

(3)  Archives  départementales.  Correspondance  du  district  de  Saint-Maxi- 
min. 


—    98    — 

partie  du  château  fut  affectée  à  un  hôpital  militaire  (1), 
et  pour  installer  des  salles  plus  spacieuses  ,  on  fut 
obligé  de  supprimer  quelques  portes  et  un  certain 
nombre  de  cheminées  (2).  La  population  profita  de 
cette  circonstance  pour  dévaliser  la  partie  du  château 
qui  était  restée  sans  emploi  (3). 
Cependant,  l'administration  militaire  continuait  à 


(1)  «  En  réponse  k  votre  lettre  du  !«'  frimaire  an  II  ,  écrivait  l'adminis- 
trateur du  district  de  Saint-Maximin  à  l'administration  du  département, 
nous  avons  l'honneur  de  vous  dire  que  le  ci-devant  château  de  Tourves  a 
été  pris  pour  l'hôpital  militaire  depuis  huit  jours  >.  Cette  iffectation  fut 
régularisée,  le  25  messidor,  par  un  ordre  du  citoyen  Eyssautier,  commis- 
saire ordonnateur  en  chef  de  l'armée  d'Italie. 

(2)  «  11  a  été  déplacé  plusieurs  cheminées  en  marbre  et  portes  ,  en  éta- 
blissant l'hôpital  militaire  au  ci-devant  château  de  cette  commune.  Veuillez 
bien  en  faire  ou  en  ordonner  la  vente,  pour  que  lesdites  cheminées  et  portes 
ne  dépérissent  pas;  car  il  pourrait  arriver  qu'on  cassât  les  cheminées  qui 
sont  déposées  dans  un  endroit  peu  sûr  >.  (Lettre  du  -.îl  fructidor  an  II— 
7  septembre  1"94— adressée  à  l'administrateur  du  district  par  la  municipa- 
lité de  Tourves). 

(3)  Déjà  ,  dans  une  lettre  du  15  février  1794,  le  président  du  comité  de 
surveillance  avait  signalé  «  les  dégâts  et  dommages  en  tous  genres  »  qui 
se  commettaient  dans  la  maison  de  l'cmigré  Castellane  :  «  On  a  enlevé  . 
disait-il ,  les  serrures  des  portes,  cassé  les  vitres  et  les  glaces  des  fen  ê 
très  ». 


—    99    — 

occuper  l'ancien  château,  qui  tombait  en  ruines.  Nous 
lisons,  en  effet ,  dans  un  arrêté  du  4  floréal  an  IV  (23 
avril  1796),  que  l'officier  de  santé  en  chef  «  attaché  à 
l'hospice  militaire  de  Tourves  »  était  désigné  pour 
constater  l'état  de  santé  des  citoyens  requis  pour  le 
service.  Mais  ,  deux  ans  après  ,  le  14  mars  1798,  la 
municipalité  faisait  procéder  à  l'estimation  de  l'im- 
meuble qui  devait  être  vendu  aux  enchères ,  et  l'ex- 
pert chargé  de  cette  mission  s'exprimait  ainsi  : 
«  Après  avoir  examiné  l'état  des  bâtiments  entière- 
ment délabrés  et  dévastés  ,  sans  couverts  ni  portes 
ni  fenêtres  ».  Et  le  7  juin  suivant ,  lorsque  Mathieu 
Barbaroux  s'en  rendit  acquéreur  (1),  le  château  s'é- 
croulait de  jour  en  jour.  L^abandon,  dans  lequel  il  le 
laissa  ,  dut  contribuer  à  la  destruction  presque  com- 
plète des  constructions  dont  il  ne  reste  aujourd'hui 
que  quelques  pans  de  mur. 

Cependant  ces  ruines  ,  rehaussées  par  la  magnifi- 
que colonnade  et  l'obélisque  restés  debout,  conser- 
vent un  aspect  qui  ne  manque  pas  de  grandeur.  Mais 
on  ne  peut  se  défendre  d'un  sentiment  de  tristesse  , 

(1)  Voir,  ci-dessus,  page  57. 


—     100    — 

en  songeant  que  ce  château  fut,  pendant  de  longues 
années,  le  rendez-vous  de  la  noblesse  provençale  et 
des  artistes  de  tous  les  pays  ,  qui  étaient  accueillis 
avec  la  plus  aimable  courtoisie  par  un  Mécène  ins- 
truit et  généreux  ,  par  un  grand  seigneur  dont  l'im- 
mense fortune  était  répandue  à  pleines  mains  autour 
de  lui  (1). 

Aussi  le  comte  de  Valbelle  fut-il  unanimement  re- 
gretté. La  municipalité  de  Tourves  elle-même ,  avec 
laquelle  son  agent  d'affaires  avait  eu  des  procès  (2), 
témoigna  ses  sentiments  sympathiques  quand  la  nou- 
velle de  sa  mort  vint  surprendre  et  affliger  toute  la 
population.  Le  conseil  communal  vota  à  l'unanimité 
un  service  solennel  pour  le  repos  de  son  âme  :  «  Le 
conseil,  bien  pénétré  des  sentiments  d'affection  à  la 

(1)  Mirabeau  dit  dans  une  de  ses  lettres  publiées  par  M.  de  Montignv, 
que  la  société  de  Tourves  était  une  cour  d'amour,  et  ajoute  que  It  comte 
de  Valbelle  était  assurément  le  plus  opulent  elle  plus  magnifique  seigneur 
de  la  |)rovince.  [Lettre  de  Mirabeau  à  .V""  du  Saillant,  sa  sffur,  du  15  oc- 
tobre 1789J. 

(2)  Il  est  vrai  ,  qu'après  avoir  gagné  un  pro'^i'S  injuste  iiue  la  commune 
lui  avait  intenté,  le  Comte  de  Valbelle  voulut  payer  tous  les  frais  de  pro- 
cédure, mis  à  la  cliarge  de  la  ville  par  l'arrêt  du  parlement  qui  l'avait  cou- 
damnée. 


—     101     — 

perte  que  la  communauté  a  faite  par  la  mort  de  son 
seigneur,  a  unanimement  délibéré  que  ,  pour  donner 
une  faible  marque  de  ses  regrets  y  il  sera  fait  le  pre- 
mier jour  libre,  dans  la  paroisse  de  ce  lieu ,  un  ser- 
vice à  la  mémoire  du  dit  seigneur  comte  de  Valbelle, 
et  aussi  solennellement  que  faire  se  pourra;  auquel 
service  les  dits  sieurs  maire  et  consuls  et  ceux  du 
conseil  moderne  assisteront  »  (1). 

Plus  tard ,  la  marquise  de  Valbelle  ,  revenant  de 
Paris  ,  où  elle  s'était  rendue  pour  exécuter  les  volon- 
tés dernières  de  son  fils,  tomba  malade,  et  la  munici- 
palité de  Tourves^  qui  s'était  informée  anxieusement 
de  l'état  de  sa  santé  ,  lui  envoya,  après  son  rétablis- 
sement, une  députation  pour  lui  exprimer  les  vœux 
de  ses  vassaux  :  «  Le  conseil  ayant  appris  avec  une 
entière  satisfaction  l'arrivée  et  le  rétablissement  de 
la  santé  de  M"^®  la  marquise  de  Valbelle ,  a  délibéré 
de  députer  le  sieur  Bonis,  maire  ,  et  le  sieur  Blain 
consul ,  pour  se  porter  à  la  ville  d'Aix  ,  aux  fins  de 
se  représenter  devant  la  dite  dame  de  Valbelle ,  pour 
l'assurer  ,  au  nom  de  la  communauté  et  au  nom  de 

(i;  Séance  du  conseil  communal  de  Tourves ,  du  29  navembre  1778. 


—    102    — 

ses  vassaux  de  Tourves ,  de  la  part  qu'ils  ont  prise 
au  rétablissement  de  sa  santé  qui  est  si  chère  à  l'uni 
versalité  de  ses  dits  vassaux,  lesquels  sont  chargés 
de  la  prier  de  vouloir  bien  continuer  sa  protection  et 
ses  bontés  pour  cette  communauté  y  qui  ne  cessera 
jamais  de  faire  pour  elle  des  vœux  ardents  et  sin- 
cères ». 

Tel  était  le  Comte  de  Valbelle  ,  telle  était  la  Mar- 
quise sa  mère ,  ces  dignes  représentants  de  la  bonne 
et  sympathique  noblesse  de  Provence  ,  ces  grands 
seigneurs  de  l'ancien  régime  qui  étaient,  assurément, 
les  meilleurs  amis  du  peuple. 


TABLE 


Pages 

Légende 1 

Le  château  de  Tourves 5 

Testament  du  Comte  de  Valbelle 31 

Le  Mausolée 46 

Le  château  restitué  aux  héritiers  du  Comte 58 

Inventaire  des  meubles  du  château 59 

Vente  aux  enchères  publiques 93 


Draguignan. —  Imprimerie  G.  et  A.  LATIL. 


La  Bibliothèque 
Université  d'Ottawa 
Echéance 


The  Library 
University  of  Ottawa 
Date  Due